OPS Congo – Témoignage JC Lapontérique

Jean-Claude Lapontérique…

1962 – Ancien de la 11 ème DBPC, formé à Calvi et affecté à Cercottes.
1965 – 29 Mars, engagé au 1er Choc de l’ANC sous les ordres du Commandant Bob Denard.
Participation à toutes les opérations du 1er Choc jusqu’en Novembre 1965.

Congo 1965 avec le 1er Choc
du Commandant Denard

Mémoires de Jean-Claude LAPONTERIQUE


 

Ancien du 11ème DBPC, j’avais décidé de rejoindre Bob DENARD fin-février 1965. Le temps de faire les papiers, les piqûres, etc., et j’ai pris la destination du Congo le 23 Mars 1965. Je suis arrivé à PAULIS 3 jours après, présenté au Commandant DENARD, alors commandant du 1er Choc. Après quelques entrainements avec tous les nouveaux, 1ère grande opération le 7 Avril : WAMBA comme mitrailleur sur jeep. Pour toutes les autres opérations, j’étais à la voltige commandée par Roger BRUNI. J’avais 22 ans. Avec le 1er Choc, j’ai participé à la libération du Nord-est du Congo face à la rébellion communiste. J’ai quitté le Congo à la mi-novembre 1965 avec une pensée à tous mes camarades morts sur cette terre. Amicalement. Lapont.

Ces rebelles que nous avions à combattre, pratiquaient la guérilla chinoise avec des armes automatiques, ravitaillés entre autre par le Soudan et par les frontières Est du Congo. Les hommes de Soumialot, Gbenié et de Mulelé étaient d’anciens soldats de l’ANC et de la force Publique, devenus hommes politiques. Il y avait beaucoup de jeunes entre 17 et 20 ans endoctrinés par le communisme, souvent ils se droguaient au chanvre pour se donner du courage lors des embuscades. Il faut dire qu’ils allaient pratiquement à la mort en venant tirer au devant de nous. PAULIS, ville de 20.000 habitants avait près de 2.000 militaires qui se divisaient comme suit : 1.000 congolais, 800 katangais et environ 200 experts volontaires (groupe DENARD, groupe GOOSSENS et groupe HOARE).

Extrait du livre Le roi de Fortune :

J’ai refait ce que j’avais entrepris au Katanga mais en plus militaire. Il y avait des français, des belges, des Espagnols, des Allemands, des Hongrois, des Yougoslaves, des Grecs, des Italiens, des Américains, etc. Bob choisit d’anciens sous-officiers para et d’autres plus jeunes qui n’ont pas moins de trois ans d’armée à leur actif avec une prédilection marquée pour ceux qui s’engagent par idéal. J’ai toujours pensé qu’on ne devait pas accepter de se faire tuer simplement pour de l’argent.

Après les quelques jours passés à PAULIS avant l’opération, j’avais retrouvé des gars du 11ème Choc : PERRIN, BLIN et RICHARD, mais la majorité des français provenaient du 3ème RPIMa, du 1er RCP, 1er RPIMA, des Commandos de Marine et surtout de la Légion (1er REP et 2ème BEP). Il y avait aussi Para Commando Belges, Para Italien… etc.

Pour l’opération de WAMBA, il y avait le 1er Choc du Commandant DENARD avec son petit groupe de katangais et le 8ème CODO commandé par le capitaine PIRET, un belge natif du Congo (composé environ de 250 soldats katangais et une vingtaine d’experts volontaires). Le but de cette opération était de reprendre les villes et villages qui étaient aux mains des rebelles et aussi de récupérer tous les dépôts d’armes dans cette région.

La colonne se comprend principalement de une ou plusieurs jeeps rickies, jeeps de reconnaissance, de un ou plusieurs camions de voltige, d’une jeep radio, d’une jeep 75mm, d’une jeep Bazookas, jeep 12.7mm, nous avions aussi un char AM8 sur roues, seulement pour WAMBA et BUTA, des camions munitions, ravitailleurs essence et puis une jeep de queue. Sans oublier des petits blindés et le grand Scania avec sa mitrailleuse à refroidissement par eau… !

OPERATION WAMBA

Extrait du livre Le roi de Fortune : ses hommes, « ses guerriers », Bob ne laisse à personne d’autre le soin de les former. Ils n’iront pas au camp d’entraînement de Kamina, au Nord Katanga où passent les recrues de HOARE. Il en ferait ici sur place le 1er CHOC, les siens presqu’une confrérie. Il y avait de tout, bien sûr. Beaucoup étaient des purs, ils se battraient bien. Le 1er CHOC ne se choisit pas, il se mérite.

Nous avions démarré de PAULIS à 7h du matin le 7 avril 1965, la colonne de véhicules toute étirée faisait près de 2km (pour garder les distances). Il y avait en plus dans l’effectif, un médecin, un infirmier et un aumônier catholique. Il y avait aussi quelques civils indigènes qui servaient de guides. Le départ fut salué par la population de PAULIS inquiète, sachant d’avance que les rebelles nous attendaient tranquillement. Il faut dire que les nouvelles vont plus vite que le téléphone.

C’était prévisible puisque rien n’a été préparé dans la discrétion. Le premier arrêt de la colonne a été au premier pont qui enjambait une petite rivière. Les rebelles avaient fait sauter le pont. Il était 15h quand nous sommes arrivés à proximité, le temps de le réparer et de faire passer la colonne, il était 17h. Nous nous sommes arrêtés avant le village de PENGE vers les 19h, c’est-à-dire juste avant la nuit. J’ai du chercher un peu partout la colonne le médecin pour qu’il me fasse une piqûre antitétanique, car en traversant le pont détruit, à pied dans le gué de la rivière et pour nous mettre en position de soutien, je me suis enfoncé dans un pied un sacré clou de charpente. 

Il faut dire que nos bottes étaient en toile et avaient des semelles fines en caoutchouc et donc inadaptées – Jungle boots (par la suite et comme tant d’autres, j’ai eu de vraies Rangers). Lorsqu’après le passage du pont, alors que mon pied était tout chaud et qu’il commençait à enfler, j’ai pensé tout de suite à la gangrène. Enfin, le toubib m’avait fait la piqûre et le lendemain matin au départ tout allait bien.

Il était 6h du matin quand la colonne s’est remise en route destination GAO. En passant la veille dans PENGE, nous avions vu une jeep couchée dans le fossé qui bordait la piste, elle avait sauté sur une mine quelques jours auparavant; il y avait eu 2 morts. Nous roulions depuis le matin sans problèmes lorsque vers les 15h, nous arrivions aux 3 ponts situés dans de petites gorges et considérées comme dangereuses. DENARD avait fait stopper la colonne 500m avant. C’était un endroit très serré et touffu ouune rivière se divisait en trois petits bras, encaissés dans de petites gorges, en somme un endroit de rêve pour une embuscade. DENARD fait partir la voltige à pieds en deux colonnes de chaque coté de la piste; elle avançait lentement et quand elle eu passée le troisième pont, un coup de Bazooka parti des hauteurs surplombants la piste, tiré par les rebelles bien positionnés. A ce moment là, je me trouvais en appui à hauteur des premières jeeps loin de la voltige qui était devant (je ne faisais pas encore parti de la voltige). La roquette n’avait touché personne par sa trajectoire mais en explosant dans le talus, un belge qui se trouvait à cet endroit avait reçu des éclats dans le dos. Dès ce premier coup de feu, la fusillade avait commencé, d’un coté les armes chinoises et russes et de l’autre nos armes occidentales. J’ai pu donc faire à cette occasion la différence du bruit des détonations. Cela avait duré 1h30 environ, le calme revenu tout le voisinage brûlait; couché sur le bas coté de la piste, Harry perdait son sang que le toubib tentait d’arrêter; plus loin un katangais avait reçu une balle dans la poitrine mais sans réelle gravité. C’est la première fois que j’ai entendu les balles siffler au dessus de ma tête.

Ce fut mon baptême du FEU.

 

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Au sujet des armes, je suis passé de l’âge de pierre à l’âge du fer. Exemple : quand on passe du MAS 49-56 au FAL… ! Y’a pas photo…

DENARD avait fait avancer la colonne 5km plus loin pour pouvoir trouver un emplacement assez vaste, car l’hélicoptère appelé par radio n’allait pas tarder. Nous avions du défricher tout un coin de brousse à la machette en l’espace de 15 minutes. Ce jour là, j’avais perdu ma casquette sous l’effet des pales de l’hélico et j’ai du rester tête nue sous ce soleil qui était très dur à supporter, tout le reste de l’opération (j’appris à mon retour à PAULIS que le belge Harry était mort). Nous étions restés dans le même coin pour y passer la nuit. Vers les 5h du matin au lever du jour, DENARD, COUKE et CLEMENT étaient venus voir si quelqu’un pouvait prendre la place de tirailleur sur jeep. Il y avait d’autres places à remplacer car il y a eu aussi des blessés. FREDDY me proposa à DENARD et j’ai donc pris armes et bagages pour rejoindre ma jeep. Le départ en destination de GAO était imminent, à 6h donc la colonne s’est mise en marche et nous avions roulé sans encombres jusqu’à 8h ou nous étions à 5km de GAO.

Notre jeep se trouvait en troisième position d’après l’ordre de départ, la première position change chaque jour. Nous avons reçu toute la poussière rouge que soulevaient les premières jeeps, nous étions méconnaissables, même nos armes étaient rouges de terre, mais elles ont toujours bien fonctionnées, Ah ces FAL ! DENARD nous avait dit que l’arrêt de la colonne de ferait à 2km avant la ville, les rebelles aussi y avaient pensé car à 3 ou 4km de GAO les premiers tirs sont partis; ils avaient installés des mitrailleuses lourdes et des bazookas dans des endroits stratégiques. Toutes les roquettes étaient passées devant les premières jeeps pour aller exploser au milieu de la colonne, les tirs de mitrailleuses étaient eux aussi mal dirigés, heureusement.

Le gros paquet ce fut dans GAO même, ils avaient bien préparés le coup. La première jeep conduite par BEAUCOURT avait évité tous les tirs ainsi que ma jeep conduite par RAMIREZ qui hurlait en même temps des insultes en espagnol. J’avais tiré deux bandes sur le nid de bazookas qui était à ma droite, enfin cela avait duré 10 minutes, la voltige avait aussitôt progressé vers GAO et les avions étaient déjà au rendez-vous. En examinant bien l’endroit, j’avais pu constater que les rebelles étaient bien placés pour anéantir la tête de colonne, mais soit par peur ou par maladresse, ils n’ont pu rien faire et beaucoup ont laissé leur peau. En fait, ce n’était qu’un hors d’oeuvre. La voltige avançait toujours vers l’entrée du village, en tête il y avait la section de RICHARD, un américain de Los Angeles qui était secondé par son compatriote JOHNSON et la section de CLEMENT

Les premiers bâtiments en entrant dans GAO étaient des hangars et quelques maisons délabrées. Lorsque RICHARD et ses hommes arrivèrent en vue, il y eu un feu d’enfer dirigé sur la colonne. Les rebelles, environ 500, avaient placé une mitrailleuse en bonne position qui tirait dans un grand angle. Pour la faire taire, il fallait se montrer. RICHARD avait décidé de s’en occuper, il dégoupille une grenade et il s’est lancé à l’assaut de la mitrailleuse, il n’a pu faire que trois pas touché au ventre et en tombant sa grenade lui explose dans les tripes. C’est ce que m’a rapporté un camarade de sa section car je n’étais pas à coté de lui pour ces précisions. Il n’était pas beau à voir lorsque nous l’avons mis dans une bâche.

La fusillade n’avait pas cessé pour autant, les rebelles étaient partout et nous devions tirer au canon 75, au mortier de 60 et 80 de MARTIN ainsi qu’au lance-grenades. Pour ma part, avec ma section nous étions bloqués face à la gare ou se trouvait les nids de mitrailleuses. Les deux chasseurs T6 au-dessus de nous n’arrêtaient pas de bombarder aux roquettes les positions rebelles et de les mitrailler. Au bout de 2 heures de feu, il y avait tellement de fumée et de flammes partout qu’on ne pouvait se voir à 10 mètres. Au total, il nous avait fallu 4h de feu pour prendre GAO et il était 15h quand les véhicules purent avancer à travers le village.

Nous avions tellement soif que nous étions accrochés après chaque trous des réservoirs d’eau de la gare qui avaient été faits par les rafales. Pour boire le peu qu’il restait, on prenait des risques car il restait encore des rebelles dans le coin. DENARD avait fait avancer toute la colonne jusqu’à l’autre bout du village. Au cours de cet accrochage, nous avions eu 2 morts et 5 blessés graves que l’hélico était venu chercher vers 17h. Au crépuscule, GAO fumait encore, avec le soleil couchant sur ses ruines cela donnait un spectacle d’apocalypse. Le bilan de cette journée avait été d’une centaine de rebelles tués sans compter ceux qui sont morts en pleine brousse par l’aviation ou les tirs de mortiers et beaucoup d’armes récupérées. Après avoir fait notre nettoyage d’armes, nous avons pu manger nos rations américaines qui n’étaient pas très fameuses à part la boite de pêches au sirop, le café et les chewing-gums.

Le lendemain matin, nous étions repartis à 3h, bien avant le lever du jour en direction de MUNGBERE. Nous avions laissé pour garder GAO une cinquantaine de soldats congolais que l’on avait pris avec nous dans cette intention.

Le soldat congolais ne sait pas se battre comme le soldat katangais qui est un guerrier de naissance et surtout n’a pas peur, aussi au 1er Choc, c’était l’élite des Katangais que DENARD avait voulu.

Nous étions toujours en direction MUNGBERE, notre jeep était en second (sur chaque jeep, il y a 4 voltigeurs assis sur les cotés prêts à bondir). D’un coté nous n’avions pas trop de poussières, il y avait juste la jeep de devant, mais par contre, il fallait ouvrir l’oeil à chaque virages, à chaque tournants, à chaque ponts, à chaque petits villages traversés, souvent déserts, faire attention à la piste si les rebelles n’avaient pas fait de trou d’éléphant (un trou d’éléphant est un grand trou d’une profondeur assez grande pour engloutir une jeep et recouvert de branchages et de terre de manière que nous ne puissions pas nous en apercevoir).

La veille au soir quand j’ai appris que ce serait mon tour avec RAMIREZ de passer devant, nous n’avions pas très bien dormi. D’après les renseignements obtenus, il y avait près de 1.000 rebelles qui nous attendaient. Nous roulions toujours en tête avec quelques tirs préalables avant chaque virage. La jeep conduite par RAMIREZ Del CONGO (c’est moi qui l’avais surnommé comme ça), un espagnol qui avait fait la guerre d’Espagne ou du moins y avait participé, quand il était très jeune, ce qui ne l’avait pas arrangé. Il était un des plus vieux du 1er Choc et moi j’étais un des plus jeunes si ce n’est le plus jeune : 22 ans. A chaque virage de la piste, il s’affolait de me voir calme et bien souvent, j’envoyais quelques rafales dans la brousse pour lui faire plaisir et surtout pour ne pas l’entendre gueuler.

Nous étions arrivés à MUNGBERE vers les 8h du matin sans avoir eu de sérieux accrochages, mais nous avions eu droit aux trous d’éléphant et aussi à des barrages d’arbres géants couchés en travers de la piste, tout cela pour freiner notre progression. Dès l’entrée dans la ville, DENARD nous avait ordonné de tirer sur les premières maisons et sur tout qui paraissait suspect. Tout en tirant, nous nous étions retrouvés au milieu de la ville abandonnée. Nous avons de suite occupé la gare qui était importante et les bâtiments administratifs.

Cette ville qui la veille était encore habitée, preuve par l’aviation et bien, il n’y avait pas un chat à notre arrivée, la seule bête dans MUNGBERE était une poule que Bill APERCE s’était empressé de courser et sur laquelle nous nous étions cassés les dents en la mangeant, elle devait bien faire son âge. Pendant que nous étions en train de patrouiller à pied aux limites de la ville, DENARD et COUKE s’étaient occupés d’un stock de fûts d’essence et de mazout assez important, abandonné par les rebelles. Nous étions restés 3 jours à MUNGBERE, cela nous avait permis de nous reposer, Roger BRUNI était passé chef de la voltige en remplacement de l’américain RICHARD. Dans sa section, il y avait Italo ZAMBON Italo , FREDDY, CHIESA, SPEKEART, Bill APERCE, BLIN, PERRIN, BROKAÏ, TUSKES, WIECK… (Pardon pour les camarades dont j’ai oublié le nom). J’ai rejoins la voltige à PAULIS, juste après cette opération.

Départ le matin du 11 Avril en direction de WAMBA. Nous avions roulé sans encombres jusqu’au km 100 ou nous sommes tombés dans une embuscade maison. Une fusillade qui a duré près d’une heure et nous avions eu un seul blessé, le commandant DENARD s’est cassé une jambe quand sa jeep est rentrée dans un fossé. Sur notre route, il y avait une mission catholique abandonnée depuis 5 ans dont les rebelles en avait fait leur QG. C’était un petit bijou avec deux grandes flèches dominant la brousse et construite en brique rouge. Quel étonnement de voir un chef d’oeuvre pareil au beau milieu de cette foret vierge. Nous n’avons pas pu nous en approcher de suite, car dans une flèche, des rebelles étaient installés et nous ont canardés.

JANSSENS et son 75mm avait réussi à faire taire ces enfoirés. Avec tout ça, la base de la flèche avait trinquée. Enfin, nous avions pris position autour de la mission à fin d’attendre l’arrivée de l’hélico prévu pour le lendemain matin et qui devait prendre DENARD qui, avec en plus de sa jambe, avait une fièvre de cheval. Vers les 18h, l’aumônier avait fait passer le mot sur les positions qu’il donnait une messe pour les morts du 1er Choc. L’aumônier célébrait sa messe parmi les décombres et les gravats. Nous n’étions pas tellement croyants, j’y avais été simplement par respect des camarades morts et blessés depuis le départ de l’opération. Le lendemain matin, il nous fallait repartir, alors nous avions profité pour fouiller toutes les maisons et paillotes environnantes. Avec RAMIREZ…, j’avais trouvé deux grandes défenses d’éléphant, il fallait nous mettre à deux pour les accrocher sur les cotés de la jeep.

En ce 13 Avril, nous étions partis à 7h du matin pour prendre la ville de WAMBA, le PC des rebelles. Nous avions roulé pendant 80km et nous n’étions plus très loin lorsqu’à 10km de la ville, les rebelles bien placés, nous ont tendu une terrible embuscade qui prenait toute la longueur de la colonne, face à une brousse épaisse où il était difficile de discerner les départs de la fusillade. Il devait y avoir en face quelques centaines de rebelles très bien entraînés (confirmation les jours suivants). Nous avions eu près de 2h de feu et il y a eu simplement un blessé katangais et un mort civil qui était avec nous, pour rejoindre sa ville qu’il avait fui quelques temps auparavant.

Le capitaine PIRET avait remplacé DENARD comme commandant de la colonne, il parlait les deux dialectes congolais, c’est pour cela qu’il se faisait respecter de tous les noirs et puis aussi c’était un bon capitaine. Alors que nous étions en tête avec notre jeep, PIRET passa devant nous pour rentrer dans WAMBA désert. J’appris par la suite qu’il connaissait bien cette ville. Nous avons foncé dans la ville toute en vidant les chargeurs malgré la poussière rouge qui nous collait aux yeux et aux vêtements. Le gouvernement de LEO attendait depuis 3 ans la prise de cette ville importante dans ce nord-est. Nous avons ensuite pris position autour de la ville juste devant la brousse qui l’entourait. Peu avant la tombée de la nuit, MARTIN et ses mortiers arrosa tout le voisinage pour que nous puissions être tranquilles.

Le lendemain matin, il fallait d’urgence avec une scie mécanique faire tomber une bonne partie des arbres de la place principale car l’hélico allait venir. Aussitôt dit, aussitôt fait et cela fut même facile car tout le monde voulait scier pour entretenir la forme. L’hélico se posa et le colonel LAMOULINE descendit avec le capitaine BOTTU.

Le colonel nous félicita car cela faisait très longtemps que les rebelles détenaient la ville et aucun groupe n’avait pu la reprendre. Une heure après, l’hélico repartit laissant BOTTU pour nous commander. Nous n’étions pas très contents, car il n’était pas apprécié au 1er Choc, manque d’expérience au Congo. Nous faisions tous la grimace car certains officiers du 1er Choc étaient de beaucoup supérieurs à ce belge, issu quand même des paras-commandos. Ce qui nous préoccupait le plus était la nourriture, nous n’avions plus rien à manger et nous attendions les vivres promit par le colonel pour l’après-midi.

Comme convenu, un DC3 est venu nous larguer en plusieurs passages des sacs de riz et des munitions et aussi des tas de morues séchées ainsi que le courrier. Le soir dans WAMBA, on se serait cru au bord de la mer, on sentait le poisson dans toute la ville. Ce soir là, j’avais rasé ma tête complètement. Au soir du deuxième jour, un groupe (une partie de la section BRUNI et une partie de la section CLEMENT) était parti dans la brousse se mettre en embuscade à quelques kilomètres de la ville. Une fois installés à proximité d’une piste, nous avons pu observer une vingtaine de rebelles s’avançant lentement à la file indienne; nous étions très bien placés pour les anéantir. Il y eu une courte fusillade et tous les rebelles sans exception sont tombés, nous revenions tous avec une arme chinoise à la bretelle.

Nous étions restés 6 jours à WAMBA, laissant sur place pour garder la ville une centaine de soldats congolais et 6 experts volontaires de PIRET, car les civils commençaient à revenir. La veille de partir, les katangais de PIRET capturèrent un rebelle et le firent parler …

Ce jour du 20 Avril, nous sommes partis de WAMBA vers les 6h du matin en direction de PAULIS qui était distant environ de 180km. Nous avions du nous arrêter au bout de 50km, les rebelles avaient fait tomber des arbres géants en travers de la piste sur près d’1km. C’est un GMC grue qui d’ordinaire sert à remorquer les véhicules en panne et qui se tient en général en fin de colonne, qui devait dégager la piste… Alors pour le faire passer devant, bonjour !!! La piste à peine assez large pour un camion, et une brousse tellement dense sur les cotés, nous nous sommes amusés ce jour là avec tous les autres véhicules de la colonne mis dans des positons incroyables. La colonne de retour était quand même plus légère. Une fois les arbres dégagés, certains étaient vraiment géants, plus d’un mètre de diamètre, nous avions roulé difficilement, car les jeeps et les camions étaient à bout de souffle, les plus costauds remorquaient les autres. Au bout de 600km de piste depuis le départ, avec le soleil, la pluie et la boue, les moteurs étaient fatigués et cela n’arrangeait pas nos affaires, car nous étions encore loin de PAULIS et en pleine zone rebelle. Mais BOUQUET faisait un travail énorme sur les moteurs des véhicules surtout quand il était à jeun !! Comme notre vitesse de croisière était lente, nous avions donc du nous arrêter pour la nuit à 80km de PAULIS. Nous étions repartis vers PAULIS à 8h du matin pour la dernière étape qui nous restait à faire, sur une piste détrempée, la saison des pluies commençait dans le coin et cela voulait dire : véhicules embourbés.

Nous roulions depuis 4h environ lorsque vers le km 30 de PAULIS dans un virage, deux jeunes rebelles porteurs de bazookas chinois tirèrent en même temps sur la jeep de tête à bout portant. La première jeep reçut une roquette de plein fouet, il y avait 4 français deux ont été tués sur le coup et les deux autres blessés gravement, dont le lieutenant CLEMENT. Notre jeep qui était en troisième position avait eu beaucoup de chance, comme nous tenions nos distances, la seconde roquette a frôlé tout le monde. Les rebelles ont été tués par la voltige de la seconde jeep. Après cette embuscade, nous avons repris la piste et roulé plus vite mais nous avons encore eu une autre embuscade 10km plus loin et celle-ci allait durer près d’une heure sans trop de bobos. Le Dodge radio et une jeep partirent devant à toute vitesse pour tenter de sauver les blessés qui perdaient leur sang, il ne restait plus que 5km avant PAULIS. Enfin PAULIS était en vue, nous sommes arrivés vers les 15h et toute la population s’était massée au bord des rues pour nous acclamer. Nous étions tellement fatigués que nous ne faisions guère attention. Quand toute la colonne stoppa devant notre QG, nous avons regagné nos chambres à toute vitesse pour prendre un bain tiède, l’eau chaude n’existait pas, et puis avec la chaleur qu’il y a, on ne risque pas d’attraper froid. Attention, il fallait être rapide, car il y avait une baignoire pour trois et l’eau était rationnée. Après avoir soupé, nous nous sommes couchés de bonne heure, fatigués et nerveux; ce soir là, il n’y a pas eu d’alcool ni de tchick-tchick…

Le lendemain, DENARD avec une canne (jambe cassée) nous appris que les deux chasseurs T6 qui nous avaient escorté et surtout bien appuyé dans cette opération, n’étaient pas rentrés à STAN; ils furent abattus par les rebelles, certainement par une 12.7mm. L’un des pilotes a pu revenir à PAULIS 15 jours après en marchant la nuit et se cachant le jour. Nous avions passé 3 jours à nettoyer toutes les armes le matin, l’après-midi.

LA GRANDE OPERATION DE BUTA

Extrait du livre Le roi de Fortune : Mercredi 26 Mai 1965 depuis l’aube, deux colonnes progressent simultanément en direction du nord ouest. Devant, court une colonne légère, Charly 1 : vingt européens, quarante Katangais dotés d’une belle puissance de feu sur des véhicules rapides. Bob les a triés sur le volet et confiés à Karl COUKE et à Roger BRUNI « leaders d’un groupe d’attaque qui doit prendre les coups et les rendre ». , plus ancien, a accepté d’être le second de COUKE alors qu’il est le vrai patron de l’affaire et Karl le respecte. Derrière eux suivent Charly 2, une colonne légère, Bob et son état major puis le gros de la troupe. En plaçant à l’avant-garde un expert volontaire pour deux soldats ANC, Bob s’assure contre le pire danger : la peur.

Malheureusement, je n’ai pas pris de notes précises comme je l’avais fait pour les précédentes opérations. Pourtant ce fut la plus importante : tout d’abord par son point stratégique, ensuite par son aspect psychologique sur les rebelles. Nous étions en train de resserrer l’étau sur tout le Nord-est. Importante aussi par le nombre de morts et de blessés que nous avons eu. Nous avons laissé beaucoup de plumes, face aux derniers sursauts des rebelles. La prise de la ville aura duré près de 6 jours au départ de PAULIS.

La plus grande embuscade a été celle du pont de POKO, le second jour. Les rebelles étant au courant de notre mouvement, ils ont eu le temps de la préparer. Arrivés à quelques encablures du pont, l’aviation nous avait prévenus que le pont était détruit et qu’il fallait se méfier, des mouvements d’hommes avaient été aperçus. Malgré des passages de nos P38 pilotés par des Américano-cubains qui n’ont cessé de tirer que pour rentrer à la base (STANLEYVILLE) pour faire le plein, les rebelles étaient bien placés (peut-être la signature de Guevara ou des Chinois ou d’autres).

Dans la colonne, ma jeep était en seconde position, mais depuis le départ de PAULIS, j’étais en voltigeur, le cul assis sur le coté, le FAL armé sur les cuisses prêt à bondir avant chaque arrêt de la jeep. Donc, nous avions été avertis par DENARD que nous étions attendus. Environ 500m avant le pont, arrêt de la colonne de tête et puis après, un peu plus loin, celle de la colonne principale. Position de marche de toute la voltige et mouvement sur le pont, ce jour là, j’étais derrière un katangais et juste devant le grand Dieter (environ 2m).

A peine arrivé au pont qui fumait encore, un déluge de feu nous tombe sur la tête. Tout de suite à plat ventre de chaque coté de la piste et on a tiré dans cette brousse épaisse, on ne voyait pas d’où les tirs venaient, malgré les balles qui sifflaient à nos oreilles et aussi pour ma part qui se plantaient dans la terre autour de moi avec un bruit caractéristique. Toujours à plat ventre et coincé par des tirs de plus en plus précis, toute une rafale est venue se planter à quelques centimètres de ma tête, mais Dieter à coté de moi n’a pas eu cette chance, dans les 30 secondes qui ont suivi, il a reçu une balle en plein coeur qui lui a même cassée sa dent de léopard porte bonheur, je n’ai entendu dans cette fusillade que son râle avant de mourir (juste un mot sur ce grand allemand, le seul à PAULIS qui distribuait des friandises aux enfants qui passaient, ils étaient tous autour de lui à tendre la main et lui souriait du bonheur qui leur donnait). Dans le même instant et sur l’autre coté de la piste, les dégâts aussi étaient importants,

BRUNI hurlait après un mortier, mais personne ne se levait. En définitive, je crois qu’en me levant pour aller chercher ce mortier dans les jeeps, j’ai peut-être sauvé ma peau ce jour là, car les tirs m’encadraient de plus en plus. En allant vers les jeeps, 100 m plus loin, j’ai vu le carnage dans les deux premières jeeps, les corps des camarades tireurs et chauffeurs qui étaient soient bloqués vers l’avant ou soient tombés au sol perdant leur sang.

J’avais réussi à prendre le mortier de 60 plus quelques obus, j’étais quand même très chargé, tout cela pendant que ça canardait de partout et je suis revenu au pont pour donner le mortier à BRUNI; autour de lui, il y avait de la casse, des camarades agonisants. Je suis revenu me placer à coté du corps de Dieter pendant que le mortier agissait, les tirs des rebelles devenaient moins précis.

Avec la voltige restante, nous avons pris position de l’autre coté du pont en jouant les funambules sur les poutres de fer. L’aviation revenu de STAN a recommencé son travail de sape en tirant presque sur nous pour avoir un meilleur résultat. Nous avons progressé un peu plus vers le village de POKO distant du pont de 2km pour permettre à une équipe de réparer le pont pour faire passer la colonne. Le premier véhicule que nous avons fait passer, c’est la jeep de JANSSENS et le 75SR. Il a arrosé certains points avec 5 pelos pour faire taire les rebelles encore tenaces. La suite fut plus rapide, nous avons pris POKO presque vide, plus de rebelles, plus de civils au bout de 2 heures de combats. Nous avons attendu l’hélico qui a mis quand même pas mal de temps à venir. Malheureusement des grands blessés n’ont pu tenir, BEAUCOURT avait reçu une rafale dans le corps. Nous n’avions pas de médecin ni d’infirmier, nous n’avions pas vu les blessures car avec tout le sang qui coulait sur sa tenue et nous avons loupé la plus importante : une balle dans l’aine. Il s’est vidé tout doucement en souriant presque couché sur le coté d’un camion avec d’autres blessés, il ne savait pas exactement où il avait mal avec 3 ou 4 balles dans le corps. Nous avions laissé beaucoup de plumes à POKO et nous n’étions qu’au second jour de l’opération. Toute la voltige a été secouée, mais c’était notre boulot. DENARD le soir même avait réorganisé la voltige en prenant du renfort à l’arrière, sans trop dégarnir quand même.

Depuis ce jour, on voyait toujours les mêmes devant car BRUNI ne pouvait compter que sur l’équipe de base que je formais avec Italo ZAMBON…, Georges SPEKEART, Carlo CHIESA, Bill APERCE, BLIN, PERRIN, BROKAI, TUSKES, et d’autres, j’ai oublié leur noms, mais ils restent gravés dans ma mémoire. Il faut ajouter aussi une bonne dizaine de katangais avec leur chef qui a succédé à François. Italo était devenu un bon copain, cela nous arrivait de déconner même en marchant en tête, on s’arrangeait pour être ensemble dans tous les coups. C’est vrai que pour des jeunes, nous nous étions endurcis après beaucoup d’opérations importantes et décisives. J’ai vu une fois Italo sortir de ses gonds : c’était dans un petit village bien avant BUTA. Nous étions en progression de voltige devant les véhicules qui avançaient au pas. Normalement devant nous il devait y avoir un gus que BRUNI avait désigné pour voir un peu ce dont il était capable. Hors ce gugusse se trouvait à l’arrière de la voltige. Italo a été lui mettre le canon de son FAL sur la tête et le replacer à son poste. Le lendemain, on ne l’a plus revu avec nous, BRUNI n’en voulait pas. Il fallait quand même faire attention à la réaction du gars, quand il buvait, il devenait méchant. On lui a fait voir une fois à BUTA qu’il réfléchisse bien avant de faire quoique ce soit.

Nous étions plus fort psychologiquement, nous étions toujours devant. Après plusieurs embuscades comparativement plus légères que celle de POKO, nous ne progressions que lentement, surtout avec des arbres en travers de la piste. Un soir à l’arrêt pour la nuit, en règle générale nous restions sur la piste surtout pour les véhicules. Nous nous endormions sur les cotés de la piste. La nuit venait de tomber et nous prenions nos tours de garde. Un bruit lointain de moteur nous a surpris, car personne ne devait circuler sur ces pistes là, à part nous et les rebelles. DENARD avait fait amener devant la colonne, l’AM8 et le 75SR placé cote à cote. Le bruit des camions devenait plus fort et on voyait même les lueurs des phares par moment. Tout le monde était en alerte et chacun à son poste. Les rebelles, car c’était bien nos amis d’en face, ne se doutaient pas que nous étions si avancés. La position de nos deux véhicules était idéale, il y avait en plus de chaque coté un tireur Bazooka.

A peine le premier camion passant le dernier virage, il s’est trouvé en face de nous à 100m environ, ses phares éclairant nos positions. Il s’est mis à freiner, le second qui suivait de près lui aussi, presque à le toucher. Tout d’un coup nos canons et toutes nos armes ont fait exploser les camions qui étaient pleins d’hommes en armes. Tout brûlait, la brousse était éclairée comme en plein jour. Après ce déluge d’obus sur les rebelles, le calme revenu, des éclaireurs partirent voir les dégâts, mais à peine arrivé aux carcasses de camions, ils se font canarder par des rebelles qui avaient pu sauter en marche. En fin de compte, c’était au moins une dizaine de rebelles qui ont pu s’échapper et qui toute la nuit nous ont arrosés avec des roquettes. Je crois que cette nuit là, j’ai réalisé mon plus grand saut à plat ventre avec Italo en même temps, le FAL dans les deux bras tendus et deux pas d’élan pour nous retrouver derrière un talus : une roquette nous arrivait dessus, pour nous scalper, elle est tombée à 10m de nous. Ce jour là, j’ai eu du flair, d’ailleurs, je sentais rapidement le danger, ce qui m’a sauvé plus d’une fois. On peut dire que nous étions repartis le matin sans dormir; les rebelles morts dans les camions étaient environ une quarantaine.

Tout le reste de la journée s’est passée à déblayer la piste. Les Mulélés (rebelles) avaient ralenti notre marche par des arbres en travers de la piste et par des trous d’éléphants. L’aviation nous a beaucoup aidé par la suite, leur travail en amont de notre marche se faisait sentir, les rebelles n’avaient guère de temps pour se repositionner correctement. Une fois en arrivant à proximité d’un village, de ma jeep je vois des traces de sang importantes sur la piste, elles se dirigeaient vers un fourré très épais. On stoppe la colonne et on se dirige vers l’endroit; chose incroyable, on voit une femme encore vivante qui crie en nous voyant. Elle avait une jambe coupée net par les tirs de 12.7 des P38 qui étaient passés peu de temps avant. Sa cuisse était absente, elle devait être ailleurs, elle avait perdu énormément de sang, elle allait mourir. Les avions ne peuvent pas, vu leur altitude, faire la différence entre un civil et un rebelle.

Accrochage important avant de rentrer à BUTA : les rebelles sentaient la fin, leurs secteurs se réduisaient de plus en plus. Ils ont mis le paquet avant la ville, grosse fusillade mais pour nous presque pas de dégâts. Un gars avait reçu une balle dans la tête et n’était que blessé et DENARD avait une éraflure, lui aussi à la tête. Je ne sais plus s’il s’agissait d’une balle ou d’un choc. Nous étions rentré dans BUTA un début d’après-midi, après avoir ratissé la cité qui se trouvait à l’entrée de la ville. Les sud-africains qui étaient partis de WATSA, nous ont rejoints en rentrant par la piste de BASSOKO en même temps que nous. Avant la nuit, position de tout le 1er CHOC aux points stratégiques, les ponts, la piste d’aviation, l’arrivée d’eau, l’hôpital, le bâtiment administratif, la mission etc. Nous étions fourbus, crevés; maintenant que la ville était prise, la tension était un peu tombée, malgré le gros risque de voir les rebelles contre attaquer. Notre position à BUTA a changé plus d’une fois les premiers jours, les rebelles ont attendu la seconde nuit pour nous canarder. Entre temps MARTIN avait eu le temps de positionner ses mortiers et à chaque fois, il ne se privait pas pour arroser les environs de la ville. La nuit, il envoyait des fusées éclairantes avant les pelos si nécessaire.

Le manège a duré tout un mois, mais en faiblissant. Cela n’empêcha pas la section de BRUNI dont je faisais parti, de sortir en brousse toutes les nuits à partir de 2h, on faisait notre chemin de croix, nous avalions des kms sans les compter, sans presque dormir, comme des automates. Tout cela pour chercher des soeurs Belges et une civile qui étaient prisonnières des rebelles. Les avions épiaient tous les jours la zone de BUTA et dès qu’ils voyaient quelque chose de suspect ou des fumerolles, par radio ils le signalaient à DENARD. Après contact avec des civils qui connaissaient le coin signalé, DENARD décidait de faire partir la voltige. C’est pour cela que BRUNI et sa section se tapait tous les jours des kms, qu’il pleuve ou qu’il fasse 45°, c’était pareil. La fatigue était à telle point que, quand je faisais mon tour de garde le soir avant de crapahuter, en voyant les lucioles, je les prenais pour des rebelles et j’envoyais des rafale s vers le pont que nous gardions… Je n’étais pas le seul.

A force de sortir sur des indications pas très sérieuses, nous ne croyons plus aux soeurs et puis un jour une information sérieuse arrive, à peine à 30kms de la ville. C’est sûr, les rebelles tiennent les prisonniers. On s’est préparé comme d’habitude, comme d’habitude les jeeps et camions nous ont laissé à une douzaine de kms du point P, et comme d’habitude avec notre guide du jour, nous avons crapahuté dans une nouvelle zone (nous sommes passés bien souvent dans des endroits où l’homme n’était jamais passé). Soulagement quand, sans un bruit, nous avons pu nous approcher de l’endroit. BRUNI, tout de suite, nous place pour l’assaut. C’était une clairière, très grande, les rebelles avaient abattus beaucoup d’arbres dans cette brousse très touffue et avaient pratiquement laissé tous les arbres tel quel au sol; on discernait au fond de la clairière, des cases avec des soeurs allongées, on voyait leurs longues robes blanches. On ne voyait par contre que 5 rebelles armés autour des cases, on ne savait pas où était les autres… Après une étude du terrain très rapide, BRUNI nous signale que le sol, jonché de feuilles et branches mortes, allait faire du bruit. Alors pas d’hésitation, il faut un assaut ultra-rapide pour que les soeurs ne soient pas abattues. On avait laissé notre sac à dos au bord de la clairière pour être plus légers. Déjà avec notre armement il y avait du poids.

Départ de l’assaut à découvert tout doucement pour commencer, dès les premiers craquements des branches, BRUNI gueule « à l’assaut !! »; on est tous parti à toute vitesse, en adressant sur les rebelles que nous voyons des tirs au coup par coup. Les soeurs se sont tout de suite levées et BRUNI a du gueuler dans le vacarme pour qu’elles restent couchées. Un des rebelles sur mon coté a reçu une de mes balles, il voulait s’en prendre aux soeurs. Résultat : les rebelles au tapis, les soeurs et une civile délivrées. Nous sommes rentrés aux camions avec une soeur sur le dos, elles étaient toutes très déficientes, sans avoir eu presque rien manger pendant 2 ou 3 mois, elles n’avaient plus la force de marcher, et la plupart était très âgée. La fête à BUTA quand nous sommes rentrés avec tout ce monde… On a même eu droit à un air d’Opéra chanté par un de nos gars, je crois que c’est Mathieu, quelle voix !! Le soir nous avons eu droit à un petit extra culinaire fait par les soeurs noires qui attendaient ce jour avec impatience. Nous avons été filmé pendant notre marche et pendant l’assaut par un médecin belge qui était venu ce jour là avec nous, sûrement que l’information était bonne.

Photo prise à Buta : à droite ZAMBON Italo, blessé au bras (il sera tué à Bukavu), MOREL, un belge au centre et moi, à Gauche.

Depuis ce jour, nous n’avions plus le besoin de sortir à cette cadence ce qui nous a permis de refaire le plein d’énergie. Surtout qu’une grande opération était en vue : la prise d’AKETI sur les bords de l’Ititbri (affluent de l’Uele) à 150kms de BUTA. C’était aussi un point important pour le trafic ferroviaire et fluvial. Les rebelles étaient encore en nombre dans cet endroit. Les civils revenaient en masse à BUTA et cela mettait de l’animation. Un jour, j’ai couru à poil au milieu de la grande rue suivi par Italo, lui aussi à poil et plein de mousse de savon, je lui avais piqué son savon et tout le monde riait.

Un jour ordinaire dans une opération de routine, sur la route de BANALIA vers STAN, on tombe dans une embuscade pas très loin de ce patelin. On a essuyé un feu nourri qui nous a surpris et résultat deux blessés graves dont un qui a perdu son bras coupé par une balle. Du coup BRUNI nous ordonne de foncer vers STAN pour leur sauver la vie. On arrive à STAN plein de poussière, cela faisait longtemps que la ville n’avait pas vu de gars sales et méchants, disons plutôt pas souriants. Des jeeps sont parties vers l’hôpital et avec l’accord de notre chef on a pu, avec notre jeep, aller à la poste centrale et téléphoner en Europe.

Opération AKETI

Un dimanche matin vers 6h, début de l’opération AKETI. Avec DENARD, c’était réglé comme du papier à musique, le dimanche était fait pour se battre ou pour mourir. Cela ne changeait pas grand-chose pour nous, c’était un jour comme un autre ici. Il faut dire que cela nous arrivait de penser à l’Europe et de savoir que le dimanche était jour de repos et d’amusements. Pour nous et pour certains, la mort était bien souvent au rendez-vous ce jour là. Cette opération devait être un grand coup porté aux rebelles encore nombreux. Ils étaient ravitaillés par le SOUDAN et bien sûr par les pays satellites de l’URSS, auxquels il faut aussi ajouter la Chine.

La colonne n’était pas si importante que pour BUTA, nous ne quittions pas le QG, c’était une opération avec retour à BUTA. On reprend les mêmes à part 2 ou 3 nouveaux et puis on y va. La section BRUNI incomplète, était disposée sur les 3 jeeps de tête. Ce jour là nous étions en troisième position et comme d’habitude les tripes se nouaient. La plupart d’entre nous avaient des gris-gris. J’avais besoin de voir le soleil qui était pour moi un signe de victoire, celui d’AUSTERLITZ. Quand on partait et qu’il pleuvait, je sentais mal la journée, à quoi ça tient ?

Donc la journée s’annonçait bien, on roulait pépère, la piste était assez bonne car des fois les ornières creusées par les pluies torrentielles n’arrangeaient pas les mécaniques et les hommes. Après le km 50, le guide nous signale un pont important à venir : arrêt de la colonne et progression de la voltige, comme d’habitude toujours les mêmes. Juste avant le pont, dans un virage, des rebelles pensaient que nous arrivions avec les véhicules que DENARD avait laissé tourner, ils n’ont pas eu le temps de réagir. BRO… en premier et puis nous ensuite, nous les avons hachés avec nos rafales, arrosage au mortier de 60 et mise en attente de la colonne sur la piste pour avoir l’appui de l’aviation demandée par radio. Les rebelles tués étaient simplement des éclaireurs, le gros de la troupe était plus loin. Nous avons attendu près de 2h avant de voir arriver les P38, et par radio FREDDY leur donnait la direction (en américain) et le boulot à faire. Puis, les avions sont revenus à notre verticale pour nous signaler des mouvements à environ 10kms.

La colonne redémarre, nous étions très tendus et malgré le gros travail de l’aviation, l’embuscade est arrivée rapidement, même un peu avant le point prévu. On a sauté des jeeps à toute vitesse, cela n’a pas suffit pour VIB… qui était dans la seconde jeep devant la mienne : je l’ai vu s’affaler dans la jeep sans un mot; après en allant voir de plus près, j’ai vu qu’il avait reçu une balle en pleine tête.

L’embuscade n’a pas duré très longtemps, avec les P38 qui bombardaient presque au dessus de nos têtes, ce fut un excellent travail des pilotes. Mais nous avons eu quand même 2 morts et 3 blessés. Il nous restait encore 30kms pour rentrer dans AKETI. Nos blessés graves ne pouvaient pas attendre, et un coin assez grand pour l’hélico fut aménagé et la banane arriva dans l’heure qui suivit. Pour cette rotation, notre chère banane n’était pas trop chargée; par contre à POKO avec le monde qu’il y avait dedans, je voyais le moment où elle allait accrocher les arbres, impossible de pouvoir s’élever. Il a fallu qu’elle prenne de l’élan mais c’était vraiment juste.

Nous sommes rentrés dans AKETI complètement vide, le soir, juste avant la nuit. Position de tous les hommes dans la ville. J’ai monté ma garde dans une villa abandonnée au bord du fleuve. Nous n’avons pas eu le temps de dormir, nos copains d’en face nous ont souhaité le bienvenue toute la nuit de l’autre coté du fleuve, MARTIN s’est régalé, il a balancé une dizaine d’obus de 80mm.

La région commençait à être un peu plus calme. Les jours suivants, après avoir arrangé les rues principales avec des civils revenus dans leur ville, les bordures étaient peintes à la chaux et cela rendait la ville très jolie. Des camarades mécanos comme BOUQUET ont réussi à faire tourner le moteur de la loco qui n’avait pas bougée depuis 4 ans. Un autre boulot nous attendait à la voltige, c’était d’ouvrir la voie de chemin de fer sur une petite plate forme à moteur (4 roues). Il ne faut pas croire que ce fut de la rigolade. Première sortie à 4 dessus, nous avons fait à peine 3kms : les rails avaient été sortis de leurs emplacements. Le lendemain avec du renfort, nous avons remis les rails à leur place et puis nous avons progressé toujours sur notre plate forme. Nous n’avons connu que des problèmes de rails, aucune embuscade. Par contre, nous passions à des endroits qui donnaient le vertige, particulièrement un pont qui avait la largeur de la plate forme, assez long et assez haut, au dessus d’une rivière encaissée, quinze mètres plus bas. Nous avons fait rouler la loco quelques jours après pendant 20kms, l’essai était concluant. Je n’étais plus à AKETI quand ils ont fait le trajet complètement, il y avait encore des rails enlevés. Notre effectif étant très réduit, il nous fallait du renfort rapidement. DENARD avait demandé une vingtaine de gars pour remplacer tous nos morts, blessés ou en fin de contrat. En définitive, nous en avons reçu une dizaine.

Nous avons été les chercher à BANALIA, à une centaine de Kms de STAN. Ils étaient arrivés sur l’autre coté du fleuve et avec un bac, on a passé les camions et les hommes. La majorité du renfort faisait jeune, il y avait entre autre DESBLE, OTT, et ROYANT qui sont venus sur nos jeeps. On a commencé à respirer, surtout que BRUNI avait fait savoir que les nouveaux prendraient un peu notre place devant la colonne. Pour les mettre en situation, nous avons fait les jours suivants du nettoyage aux alentours d’AKETI, sans rencontrer d’oppositions importantes.

Une opération se dessinait, direction BUMBA, petite ville sur le bord du Congo et comme d’habitude ce fut un dimanche. Mais cette fois, DENARD nous a fait partir à 2h du matin, en pleine nuit, pensant que les rebelles étaient out. Cette fois, les anciens, nous avons eu le droit d’être dans les jeeps suivantes, j’étais dans la 5ème jeep. BRUNI avait fait passer les nouveaux devant. A peine sorti de la ville, et 2kms parcourus, terrible embuscade. Toute la colonne avait les phares éteints, dans une nuit noire, et on voyait simplement la lumière émise par les deux jeeps de devant qui flambaient et les tirs de nos armes. On tirait partout devant nous, BRUNI est venu nous chercher pour passer devant nos remplaçants d’un jour ou plutôt d’un moment. Les pauvres pour leur première opération sont mal tombés : 5 morts et 8 blessés graves. Heureusement dans cette colonne, il y avait un médecin, ce qui a sauvé pas mal de vies, principalement ROYANT qui avait reçu la roquette d’un bazooka sur sa jambe avant qu’elle fasse exploser la jeep.

Il avait perdu sa jambe en haut de la cuisse et beaucoup de sang. J’ai vu en passant près de lui, le toubib arrêter l’hémorragie à la lumière d’une petite lampe à même la piste et pendant que ça ferraillait. La jambe se trouvait plus loin, prés de la jeep en feu. J’ai eu l’occasion plus tard de revoir ROYANT à St Denis avec une canne; il nous en voulait un peu à tous ceux qui ont rechapé à cette guerre sans trop de bobos. Dans cette embuscade, je ne m’étais pas rendu compte que j’avais reçu un éclat d’une roquette sur mon tibia et derrière sur le mollet. J’ai ressenti juste après la douleur d’une brûlure et ma jambe est devenue chaude. Avec une piqûre et des soins, aucun problème pour continuer, il s’agissait plus de petites estafilades qu’autre chose. Nous sommes restés jusqu’à midi au même endroit, puis, un renfort venu d’AKETI, nous a permis de régler le compte aux derniers rebelles dans la brousse. DENARD avait décidé de repartir vers BUMBA : nos morts enterrés à la hâte, j’ai retrouvé ma place en tête de la colonne et oui, les dégâts étant vraiment importants, aussi bien chez les hommes que pour les mécaniques. On pensait, nous les anciens, que nous allions être peinards, le sort en a voulu autrement. La piste était très belle vers BUMBA, pas d’accrochage. Nous avons pu admirer le paysage superbe des rives du CONGO. Nous sommes arrivés à BUMBA sans problème. Le colonel LAMOULINE est venu ensuite par avion voir le résultat. Nous avons même poussé un peu plus loin sur la léproserie d’ALBERTA et le lendemain retour sur AKETI.

En nous arrêtant le premier soir le long du fleuve, nous avons fait une pêche miraculeuse… à la grenade. Cette pêche à la grenade, c’est la première fois que je la faisais. Au bord du fleuve tranquille, on se baignait et puis un ancien d’Indo sort une grenade Mills et la balance dans l’eau presque au bord. Boum… 30 secondes après des poissons de plus de 10kg flottaient à la surface. Alors chacun a voulu faire sa propre pêche…

 


A la mémoire du Colonel Denard
et des hommes qui ont servi sous ses ordres

A la mémoire du Colonel Denard
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OPS