OPS Congo – Bob DENARD parle – lettre ouverte 22 octobre 1967

Bob Denard Parle

Lettre ouverte

Lettre ouverte du Colonel, publiée le 22 octobre 1967 dans le magazine Belge « Le patriote illustré », après son retour du Congo.


 

Le colonel Bob Denard, dont on connaît le rôle dans la répression de la rébellion des Simbas, et qui fut blessé lors de la seconde mutinerie des mercenaires à Kisangani, en juillet dernier, a adressé aux journaux une lettre ouverte, écrite dès son retour en Europe. Nous la livrons cette semaine à nos lecteurs. Sans approuver aucunement les prises de position qu’elle contient, ni l’attitude de Schramme qu’elle soutient sans réserve, nous avons estimé utile de verser au dossier congolais le document qu’elle constitue. Ce témoignage n’est certes pas tombé de la plume d’un homme rompu aux nuances de la pensée, mais son ton direct porte à croire qu’il est sincère. Bob Denard n’est ni dépourvu de clairvoyance ni de bon sens — il accuse et s’accuse —, mais on peut se demander de quel droit il estime légitime de poursuivre une action dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle a déjà coûté pas mal de vies humaines, et que le droit de légitime défense sur lequel elle devrait se fonder n’est pas clairement établi.
Les sous-titres qui entrecoupent la longue lettre de Bob Denard sont de notre rédaction.

Venant de rentrer en Europe et ayant pris connaissance de la presse depuis le début des événements au Congo, je suis surpris par les propos les plus incohérents qu’on y trouve. Je pense être à même de faire certaines mises au point, je dirai même que cela s’impose, car si cette affaire fait couler beaucoup d’encre, elle fait couler également beaucoup de sang. Il est regrettable de voir les manœuvres sordides de certains individus qui profitent de cette situation pour en tirer des profits personnels, qui induisent en erreur l’opinion publique par des récits les plus fantaisistes, et aussi en se faisant passer pour des gens mandatés par Schram¬me ou moi-même. Mes hommes, mes camarades qui ont, eux, donné leur vie pour ce Congo, non seulement maintenant mais depuis le début, ne méritent pas cette spéculation. C’est au nom de leur mémoire et aussi au nom de ceux qui continuent la lutte que je me fais un devoir d’apporter les éclaircissements nécessaires et de dire la vérité dont je peux apporter les preuves et aussi pour vous mettre en garde contre les provocateurs, les gens de mauvaise foi et peut-être aussi les inconscients qui, peut-être animés d’un esprit sincère, racontent leurs histoires et vendent leurs informations imaginaires. Ceux d’entre vous, dont les reporters sont allés à Bukavu, ont vu certainement que tout était différent ; puisque les derniers articles actuels de certains journaux apportent davantage de lumière sur cette affaire. Mais peu de personnes en connaissent le fond. Je sais qu’il est difficile de faire la part de vérité, mais l’opinion publique est en droit de la connaître et votre devoir est de ne pas la tromper, car de vos informations dépendent des vies humaines innocentes.

Un mensonge universel

Pour essayer de comprendre ce qui se passe, il faut commencer par revenir en arrière, à l’époque relativement proche où tout s’est joué. La situation actuelle n’est que l’aboutissement d’une suite d’erreurs et de lâchetés accumulées, dont tous ceux qui ont participé au drame congolais, moi comme les autres, portent une part de responsabilité. La semaine dernière, une interview de mon camarade Schramme, qui était une espèce de cri du cœur et dans laquelle il dit : il faut que l’Europe sache la vérité sur qui se passe au Congo il a bien raison, mais la vérité en fait n’est pas belle, et je ne sais pas si l’Europe et les autres sont prêts à l’entendre. Et d’ailleurs, qu’importe ! C’est l’Afrique, c’est le Congo qui a besoin de vérité. Là-bas sur place, il y a un certain nombre d’évidences, qui commencent à s’imposer par elles-mêmes, par les voies de l’expérience et de l’espoir. La faim, la peur, le sang, la corruption, l’inégalité la plus ignoble. Sous l’occupation allemande, il était difficile de mentir au fond, parce que tout le monde savait plus ou moins. Il n’y avait que le haut gratin de la collaboration, qui n’avait pas de problèmes de tickets de pain, à croire aux mensonges officiels. C’est un peu pareil au Congo ; aujourd’hui, il y a un énorme mensonge officiel, mondial même, qui a son centre dans la ville close de Kinshasa, dans le quartier réservé aux Gentils. Le reste crève de faim et de peur. L’horizon privilégié de ceux qui mènent la danse est limité à la journée qu’ils vivent. Pourvu que ça dure.
Chaque soir, ils espèrent qu’il y aura un lendemain, et jusqu’à maintenant, il y a toujours eu un lendemain. Mais c’est cela, je crois, qui est fini, car il faut être réaliste et logique, et ne pas se mentir à soi-même comme l’ont fait tous les responsables et aussi leurs conseillers européens qui y trouvaient leur profit ; dire la vérité a l’Europe, ce serait bien utile pour le pauvre Congo. Jusqu’à maintenant, l’Europe nous a surtout renvoyé nos mensonges, en les amplifiant comme l’écho.
Lu¬mumba avait sans doute au départ le désir de faire le bien de son peuple. Mais dès lors qu’il a pu lire dans la presse occidentale l’écho mille fois amplifié que les journalistes installés au bar réfrigéré du « Memling » donnait aux plus saugrenus de ses propos, il a continué à exploiter le filon. Et le Congo tout entier est parti dans le folklore. Malheureusement, cela a coûté cher en vies humaines. Vous vous souvenez de ce Congolais interviewé par « 5 colonnes à la une » lors du retour de Tshombé, et qui, Lumumbiste, se proclamait également Tshombis¬te, parce que « Moïse, lui, il a de l’audace comme Patrice ». Mais il faudrait tout de même essayer d’en sortir, du folklore, du cinéma, parce qu’avec le temps, ça use, et les gens continuent à crever de faim, et ça, c’est moins drôle, pour ceux qui le voient.

Les origines de la crise actuelle

Pour comprendre, il faudrait avoir le temps de partir du commencement : la nature particulière de la colonisation belge dans ce Congo énorme et préhistorique, les accords passés pendant la guerre entre les Etats-Unis et le Gouvernement belge en exil, et la situation qui en a résulté, la décolonisation de l’Afrique Française et ses conséquences, de l’autre côté du Stanley Pool, etc. Mais il n’est pas possible aujourd’hui, de commencer par le commencement. Je n’ai pas la tête à ça. Je préfère commencer par mes soucis immédiats. Nous allons y venir. Mais je suis sûr que vous avez, vous aussi, réfléchi au drame congolais à partir de ses origines vraies, et que vous êtes probablement parvenus aux mêmes conclusions que moi, qui, au cours de ces dernières années, ai accumulé une longue et fort instructive suite de faits irréfutables et d’expériences vécues. Bornons-nous plutôt donc aux origines proches de la crise actuelle. Je veux essayer de vous dire sans passion ce que je sais être la vérité. La vérité, c’est qu’il n’y a pas d’armée congolaise. L’armée congolaise, l’A.N.C. actuelle, est issue de la force publique, laquelle, depuis la mutinerie de juillet 1960, n’est pratiquement jamais sortie de l’anarchie. Le manque de cadres et aussi, chose paradoxale, le manque de maturité d’esprit, de la part des responsables. La vérité, c’est qu’il n’existe pas non plus d’administration. Celle en place est corrompue, exploite à son propre profit ses administrés. Je vous parlerai tout-à-l’heure des mercenaires, mais, ce qu’il faut dire maintenant, et que le général Mobutu lui même sait bien, c’est que, pour de longues années encore, les cadres européens sont indispensables à l’A.N.C. et à l’administration. Livrée à elle-même, l’A.N.C. n’est plus rien d’autre qu’une bande de pillards et d’assassins. La preuve en est là, malheureusement, pour qu’on ne puisse l’oublier. Le général Mobutu et les chefs de l’armée le savaient bien. Je répète et je crois qu’il faut reconnaitre, pour être objectif, que le fait d’avoir pris la responsabilité de recruter des volontaires étrangers est de leur part la preuve d’un certain réalisme.
Lorsque Mobutu se défend d’avoir recruté des volontaires étrangers, il ment. Avant d’être président, il était commandant en chef de l’armée. Je peux vous montrer des documents signés de sa main. D’ailleurs, il y a bien d’autres exemples dans l’histoire. Quant à moi, je sais bien que le général Mobutu n’avait aucun complexe à cause du fait qu’il recrutait dès volontaires étrangers. Je pense que son entourage a dû faire pression pour qu’il s’en débarrasse. Mais malheureusement, les choses se sont gâtées à cause de questions de personnes, de questions de politique, et, en un mot, d’affaires tribales. Car, hélas, nous en sommes encore là au Congo, quoiqu’en disent Mobutu et les autres responsables. Ils en sont les premières victimes. Au Congo, il faudra attendre longtemps avant qu’il existe un esprit national.

La première rébellion de Kisangani

Et voici les faits : lorsque Tshombé, appelé par le Président Kasavubu, est devenu Premier Ministre, l’A.N.C. était en pleine décomposition, et les « simbas » menaçaient Léopoldville , où Adoula a déclaré : « Je suis un homme fini » et où les dirigeants faisaient leur valise.
Mobutu obtint alors de Tshombé que celui-ci lui amène les anciens gendarmes katangais. Qu’il s’agisse d’attitude guerrière ou de formation, le fait est là : comparées à l’A.N.C., les troupes katangaises étaient bien supérieures et puis, elles acceptaient les cadres européens. Intégrés à l’A.N.C., les Katangais, appuyés par nous, en vinrent à stopper l’insurrection des Simbas et le régime de Léopoldville fut sauvé. Mais il fallait aussi compter avec l’atmosphère empoisonnée de la capitale et rapidement, la division s’installa entre ceux qui avaient permis ce redressement : Kasavubu, Tshombé, Mobutu. Nous étions loin, mais même à l’autre bout du pays, même au bout de la brousse, les querelles des grands venaient compliquer notre tâche. Tshombé éliminé, Mo¬butu, réaliste, se rendit bien compte qu’il allait avoir des problèmes avec les Katangais demeurés dans l’A.N.C. Il n’en demeure pas moins que le haut commandement ne fit rien pour les intégrer, bien au contraire : on envoya à Kisangani un 1er bataillon d’infanterie et un 3e bataillon d’infanterie entièrement équipé à neuf, alors que, depuis de nombreux mois, les bataillons Katangais étaient en loques et que l’on continuait à les exploiter systématiquement. Pour le comble de tout, on nomma comme Commandant de la 5e régate, le colonel Tshachi, bien connu pour avoir été le responsable de la répression des gendarmes katangais au Katanga après la sécession. En outre, ce qu’on disait à Léopoldville devenu Kinshasa, des complots que Tshombé avait organisés de son exil européen, n’était pas pour calmer Mobutu. Il faut dire que Tshombé a toujours eu une sorte de génie pour s’envelopper de brouillard, susciter de mutuelles allées et venues autour de lui et ouvrir sa porte à tout le monde : les provocateurs comme les conspirateurs velléitaires. Vue de près, cette cour ne devait pas être bien dangereuse, mais vue de Kinshasa, c’était tout différent. C’est à cette époque que se situe l’affaire du maquis de l’Ardèche, et du mouvement massif de mercenaires à travers l’Europe et l’Afrique. En réalité, il y avait beaucoup d’intoxications, financées par une grande maison qui ne voulait pas transférer son siège à Kinshasa.
La suite, nous la connaissons bien : certaines vieilles barbes voulaient faire peur au petit Mobutu qui était moins congolais qu’eux puisqu’il était né vers 1930, alors qu’eux, ils étaient déjà au Congo depuis bien longtemps. Des millions ont été dilapidés. Il est même impensable qu’on ait pu financer une telle entreprise, alors qu’à l’époque, il aurait suffi de prendre contact avec les principaux intéressés, Schramme et moi. Suite à cette époque, j’ai été, malgré moi, le sauveur du régime. Cette affaire nous a causé de douloureux cas de conscience, à Schramme et à moi. Nous savions déjà, sans en parler, uniquement par intuition, que la prochaine manche serait la nôtre. Ceux de mes hommes qui avaient été arrêtés par l’A.N.C. et qui ont subi ses sévices, ont, eux, bien compris ma position. Je n’ai pas à me justifier mais les responsables de cette action auront un jour, des comptes à rendre. Leur inconscience est criminelle. Qu’ils ne se trompent pas, je les connais. Les accusations de mauvaise foi qu’ils ont portées contre moi à cette époque n’étaient que pour cacher leur incapacité et aussi pour camoufler les dépenses excessives et désordonnées qu’ils ne pouvaient justifier. Je ne comprends pas que des gens intelligents soient victimes à ce point et ne sachent pas discerner la route à prendre.

Les séquelles de la mutinerie

Après cette affaire, qui a duré quelques mois, le résultat le plus clair fut que Tshombé, trop compromis aux yeux des Belges comme des Français, dut se terrer dans son refuge de Madrid. Mais à partir de ce moment-là, Mobutu, pour des raisons qui me sont inconnues, commença à redouter sérieusement les intrigues menées autour de Tshombé, et il est probable que c’est alors qu’on commença à étudier à Kinshasa le moyen de s’emparer de sa personne. La mutinerie de Stanley¬ville, outre le major Gautier, un certain nombre de soldats de l’A.N.C. et des anciens gendarmes katangais fit deux autres victimes, les deux négociateurs envoyés par Mobutu ; Munongo, alors gouverneur du Katanga, et le général Mulamba, alors Premier Ministre, que Mobutu limogea un peu après. Ce fut la première grande erreur. Il est probable que, leur influence modératrice lui faisant défaut, Mobutu décida alors de se débarrasser des soldats katangais. Mais comment faire ? Ils étaient 2.000, répartis en cinq bataillons. Les démobiliser. Mais alors, il aurait fallu les renvoyer dans leur pays, et nul ne doute que, de retour au Katanga, ils auraient fourni les troupes qui manquaient aux partisans de Tshombé. C’était provoquer à coup sûr de nouveaux troubles dans une province déjà peu sûre. Les exécuter ? Ils étaient trop nombreux et ils se méfiaient, évidemment. Il aurait fallu que Kinshasa disposât de chambres à gaz et surtout du personnel pour les faire fonctionner, y enfourner les Katangais. Seulement voilà, nous étions là, comme témoins. Malgré ses promesses, Mobutu a laissé assassiner le major Mombo qui, si on l’avait laissé parler, aurait sûrement transformé ses accusateurs en accusés. Il a gardé Tipola, pour le juger comme on juge un pantin. On n’a pas cherché à analyser les choses et les causes réelles de la mutinerie, car cela aurait été mettre à jour l’incapacité du haut commandement. Je ne parlerai pas du général Bomozo qui, vieux renard, sent beaucoup plus les choses qu’il ne les comprend. Mais le colonel Balida, Chef de Cabinet du Ministère de la Défense Nationale, le Colonel Kouloufa, Chef Etat-Major Géné¬ral, le Colonel Zouzi, responsable du 2e bureau, le Colonel Singa. Chef de la Sûreté, étaient au courant de la situation. Mais le jugement était rendu d’avance.

Dissoudre le Commando Schramme

Alors l’inconscience a continué. Il restait encore des bataillons katangais. Malgré cette expérience, rien ne fut fait pour arrêter cette discrimination. Comme il arrive souvent dans nos pays à nous, le problème insoluble fut reporté à une date ultérieure, en maintenant les Katangais à la fois le plus loin possible de Kinshasa et du Katanga. Et l’abcès ne cessa de s’envenimer. Entretemps, nous étions parvenus à réduire la rébellion. Et Mobutu devait penser qu’avec la seule A.N.C., il devait être en mesure de maintenir le statu quo dans l’Est du Congo, dont il était possible, à son sens, de vider l’abcès katangais. Comme il ne pouvait ni les éliminer, ni les démobiliser, son idée était, par un habile plan de mutation, de démanteler leur unité en les noyant ici et là dans l’A.N.C. Je savais que cette décision, peut-être considérée comme applicable pour le bureau de Kinshasa, allait immanquablement mettre le feu aux poudres et mon intention était d’en dissuader le général Mobutu dans l’intérêt général. Telle était à peu près la situation, fin mai, lorsqu’un télégramme vint m’apprendre la mort de ma mère, et je partis immédiatement pour la France. Le 6 juin 67, j’étais de retour à Kinshasa. Deux jours plus tard, j’étais convoqué chez le général Mobozo. Mobutu m’accusait d’avoir rencontré Tshombé à Madrid. Il me fut facile de prouver que c’était faux et de mettre au défi quiconque d’en apporter la preuve. Tout cela était une manœuvre des informateurs de Mobutu qui évoluent dans l’entourage immédiat de Tshombé et qui ont sûrement provoqué une réaction à double sens. Voyant qu’il n’y avait pas de prise de ce côté, Il fit de nouveau pression sur moi pour dissoudre le bataillon de Schramme. Afin de gagner du temps, je lui fis part que cette opération entrait dans le cadre de la formation de la 3e brigade mixte. Le 15 juin, j’étais nommé Commandant de brigade, ce qui est tout de même la preuve que Mobutu avait toujours confiance en moi, quoiqu’en dise l’interview fantaisiste que je viens de lire dans « Jeune Afrique ». Le 22 juin 1967, je me trouvais à Punia, P.C. de Schramme, lorsqu’un télégramme me parvenait de l’Etat-Major de l’A.N.C.
« Ordre no 1092 1 NR. » On m’ordonnait la dissolution de l’unité de Schramme. C’était là, pensai-je alors, l’allumette qui allait tout faire exploser.

Grenouillage

Je fis donc; avec Schramme, le point de la situation, et nous prîmes toutes les dispositions pour éviter toutes surprises, tant de son côté que du côté des autres unités en opération, plus au Nord. Mais pour le cas où cette allumette n’aurait pas suffi, quelques jours après, c’était la nouvelle de l’enlèvement de Tshombé qui nous parvenait. Pour les fidèles de Tshombé, il ne faisait pas de doute que le rapt avait été organisé à Kinshasa. Des photocopies circulaient, lesquelles avaient été arrachées par Tshombé lui-même à une certaine demoiselle *** (N.D.L.R. : Nous n’avons pas estimé utile de citer le nom). Ces photocopies établissaient que celle-ci avait reçu, via Bruxelles, 60 Millions d’A.F. d’un certain * »* (N.D.L.R. : Même chose que ci-dessus), Antillais mythomane, lequel s’était vanté de préparer l’empoisonnement de Tshombé dans son appartement de Madrid, en liaison avec le major Dongo, frère de Mobutu, venu à Madrid pour la circonstance.
Tshombé avait d’ailleurs à l’époque, en mars de cette année, fait un beau tapage, déclarant devant les journalistes : « Ma vie est en danger. » Ce qui n’était pas passé inaperçu dans les rangs des Katangais. C’est pourquoi la nouvelle qu’un second ou Xième complot avait réussi fit l’effet d’une bombe. A partir de ce moment-là, l’affaire était irrémédiablement partie, et la responsabilité de ce qui a suivi, revient à ceux qui, à Kinshasa ou ailleurs, surent trouver les énormes sommes qui ont été englouties dans les divers épisodes de la préparation du rapt de Tshombé. Je pense que certains milieux étrangers ont sûrement une grosse part de responsabilité dans cette affaire. Il serait facile de reconstituer comment ils ont lancé la poudre aux yeux de Moïse pour le faire monter dans cet avion. Tout ce qu’on a pu dire du complot et du fameux plan Kyrilis ne tient pas debout. L’Etat-Major Général de l’A.N.C. en détenait une copie, et de beaucoup d’autres plans également. Cela était adressé à chaque commandant de groupement, avec les mesures préventives à prendre. Si on faisait une analyse, on retrouverait sûrement les mêmes comploteurs, qui ont abusé une première fois les milieux financiers qui leur avaient fourni les moyens. Mais ces milieux financiers ne se sont pas laissé abuser une seconde fois, par du vent. De plus, ni Schramme ni moi n’étions au courant de ces prétendus préparatifs. Et d’ailleurs, quels préparatifs ! Le résultat actuel, cet immense gâchis, prouve bien que tout ce qui se passe n’a pu être préparé, sinon par des provocateurs ou des mythomanes. Il n’était pas possible, pour aucun des responsables que je connais, d’empêcher les cours respectives de Tshombé et de Mobutu, de laisser frétiller dans leur entourage ces personnages bizarres et sans attaches, qui ont toujours par une sorte de malédiction, exercé sur les dirigeants congolais une sorte de fascination tout en profitant de leur crédulité à l’un comme a l’autre, toutes sortes de gens venaient proposer les plus invraisemblables affaires dans le seul but évident de percevoir un pourcentage sur n’importe quoi : armes, voitures blindées, comptes en Suisse, belles filles, rapts de rivaux, et autres affaires d’or de toutes sortes, quelquefois, avec l’espoir de rafler tout le magot, ce qui était supérieur au pourcentage, évidemment. Mais tout cela était, bien sûr, par essence, du bidon.

L’enlèvement de Tshombé

Et c’est en cela que les dangers, pour les autres, comme nous, étaient limités. Jamais aucune de ces belles propositions n’aboutissait et les promoteurs se contentaient des acomptes qu’ils se faisaient payer d’avance. Mais de crapuleux, tout cela est devenu criminel à partir du moment où il s’est passé, fût-ce par l’effet d’un coup de hasard, quelque chose de tangible. Ce quelque chose, après la folie que constituait l’ordre de dissoudre le Commando Schramme, a été l’enlèvement de Tshombé. Je ne sais pas comment cela s’est passé, mais je sais que cela s’est produit et qu’à partir du moment où les transistors des Katangais leur apprenaient que leur chef était emprisonné à Alger, nous allions être entrainés dans le tourbillon. C’est pourquoi, à mon avis, le complot n’est sorti du domaine des mythomanes, qu’après l’explosion qu’a provoquée la nouvelle de l’enlèvement de Tshombé. A partir de ce moment-là, tout le -monde s’est mis à tirer dans tous les sens, et tout ce qui se passe depuis n’est qu’une conséquence de ce que, malheureusement pour tous, comme pour lui-même, le Gouvernement de Kinshasa a déclenché. Si je suis venu en Europe, c’est pour aider mes camarades. Je ne cherche pas à charger les uns au détriment des autres, ou inversement.
Je mesure assez profondément le bourbier congolais pour deviner à quel point les responsabilités sont probablement accumulées. Mais ceci nous amène, comme je vous le disais au commencement de ce récit, à ce qui importe aujourd’hui : avant toutes autres préoccupations, ce qui s’est passé au Congo depuis le début de juillet a entrainé une terrible casse. Il faut tout tenter pour guérir ce qui peut l’être, et pour prévenir ce qui peut l’être encore. C’est pour cela que je suis revenu en Europe; dès que mon état de santé me l’a permis. Et c’est pour cela que j’ai besoin que vous m’aidiez. Parce que, comme l’a dit Schram¬me, il faut que l’Europe sache ce qui se passe au Congo. La casse, c’est tous les hommes dont j’ai la responsabilité directe, des morts, c’est-à-dire des veuves, et des orphelins, et aussi des prisonniers dont on ignore tout, et qui, aux dernières nouvelles, auraient été exécutés. Mais ni l’ambassade belge, ni l’ambassade française, dont la majorité de ces gens, qui se trouvaient à la base administrative, étaient de ces nationalités, n’ont levé le petit doigt. La casse, c’est aussi le sort des Katangais, qu’il est, tout autant impossible qu’auparavant de passer à la chambre à gaz. C’est aussi le sort des Simbas ralliés qui sont devenus nos frères d’armes. C’est aussi enfin le sort des civils, les blancs comme les noirs, qu’on ne peut laisser assassiner par des bandes incontrôlées de l’A.N.C. Je suis venu en Europe, parce que je ne puis tout de même croire que, les uns comme les autres, les inspirateurs du gâchis comme les vrais dirigeants, sont indifférents à tout cela. Et si je dois me résoudre à admettre qu’on s’en lave les mains, alors il me restera toujours la solution de retourner au Congo et de tenter de faire justice moi-même, avec les miens. Mais j’ai confiance, tout au moins, en ce qui concerne mes soldats. Parce que l’affaire est trop claire pour qu’on fasse la sourde oreille.

Qu’est-ce qu’un mercenaire ?

C’est pourquoi je vais d’abord vous expliquer ce que c’est qu’un mercenaire, quoique je n’aime pas ce mot. Pour ce qui est de nos frères d’armes noirs, Katangais, Simbas, comme pour ce qui concerne le sort des malheureuses populations congolaises, je ne me fais pas d’illusion. Ce n’est pas ici que nous trouverons un remède à leur situation, mais au Congo même. Cela nous amènera pour en finir, à parler de l’avenir. A lire la presse aujourd’hui, on a l’impression que les mercenaires au Congo étaient tombés du ciel, et que le gouvernement ne tolérait notre présence que contraint et forcé.
La vérité est tout autre. Pour devenir mercenaire, il fallait passer par une tout autre filière, administrative, que je vais vous détailler sommairement : que l’on sache qu’il y a des responsables, et qui ils sont. Le recrutement était fait d’une façon tout-à-fait officielle, par l’intermédiaire des Attachés militaires de Bruxelles et de Paris, les colonels Zabi et Bo¬téti. Le candidat devait fournir, outre un état signalétique des services dans son armée d’origine, un extrait de casier judiciaire une douzaine de photos, un certificat du dernier employeur, un curriculum vitae complet, le tout transmis au bureau sous contrat du Ministère de la défense Nationale à Kinshasa. Le contrat était signé par le chef de cabinet, en l’occurrence le colonel Malila. Le recrutement des mercenaires donnait bien entendu le meilleur comme le pire et je n’ai jamais pu en avoir le contrôle direct. Mais si l’on admet qu’il y a des hommes pauvres, qui, depuis que le monde est monde, préfèrent une vie dangereuse plutôt que de- gratter du papier dans un bureau, qu’on ne me dise pas que c’est uniquement pour l’argent. Quel argent ? Les soldes sont plus que modestes, et nous étions payés très irrégulièrement. Il était fréquent que la solde nous soit versée avec quatre mois de retard.
N’était-ce pas la meilleure preuve, d’ailleurs, de la réalité d’un certain idéalisme chez les mercenaires ? C’est que la plupart d’entre eux se sont pris de passion pour ce qui leur est apparu être le côté noble de leur engagement. Sauver des vies, rétablir la paix et sortir le pays d’un marasme où l’a plongé l’indépendance prématurée ; réaliser, construire, et surtout être le témoin de ces réalisations. Nous étions arrivés à être conscients de ce que nous représentions. J’avais dû procéder à une certaine épuration ; d’autres avaient compris qu’il n’y avait plus de place pour eux dans ce nouveau cadre. J’étais fier de ceux qui restaient. Avec moi, ils s’étaient reconvertis. Pas en soldats laboureurs, mais presque. Bien sûr, tout cela ne plaisait pas à tous les Congolais, qui dans les régions que nous occupions, étaient obligés de travailler et ne pouvaient se livrer à l’exploitation de leurs semblables et au trafic. Schramme était leur principal ennemi. Il ne se passait pas de jour sans qu’on ne me transmette des plaintes et des accusations mensongères. Il était facile de démontrer qu’elles étaient fausses. Le général Kakuji et le gouverneur-du Kivu Angulu le savent bien. Lorsque les événements se sont déclenchés, le général Kakuji lui-même m’a fait part des difficultés qu’il avait vis-à-vis des autorités, parce qu’il avait également pris la défense de Schramme. D’ailleurs tous les hommes, tous les volontaires étrangers ont suivi comme un seul homme; au moment des événements. Cela aussi est la meilleure preuve. Maintenant, bien que tout l’appareil administratif, qui était censé assurer la solde, soit par terre, ils n’en sont pas moins décidés à rester au Congo, même pour la peau. C’est ce qui fait la force de Schramme dans son réduit. Alors c’est bien donc que les mercenaires n’étaient pas au Congo seulement pour l’argent. L’argent, pour avoir vu comment il avait pourri tous les chefs du Congo, je vous assure qu’on apprend plutôt à le mépriser lorsqu’on est au fond de la brousse. Malheureusement, des gens mal intentionnés ont toujours la facilité de trouver des occasions pour critiquer et transformer la vérité. Que veulent les mercenaires ? En fait d’argent, ils savent bien en partant, à l’exception du pourcentage habituel de bandits rapidement éliminés, qu’ils ne trouveront pas de trésor. Ce qu’ils veulent, c’est pouvoir payer le prix de leur liberté, de mener une vie à l’échelle de leurs aspirations, en envoyant de quoi vivre à leur femme et à leurs enfants où à leur vieille mère. Les rêves dorés, c’est pour les ministres de Kinshasa, pas pour nous, et sans regret. D’ailleurs, pour en finir avec ce sujet, j’aimerais bien qu’on m’explique la différence qu’il y a entre un mercenaire et un fonctionnaire. Par exemple, on devient percepteur pour la solde, à mon avis. Et vous-mêmes, si un journal concurrent vous offrait une meilleure situation, que feriez-vous ?

Lâcheté

Je veux revenir en détail sur la casse. Par rapport aux pertes de l’A.N.C., les nôtres sont d’un pourcentage relativement faible. C’est malgré tout payer trop cher la lâcheté de certains responsables. Mais il faut qu’ils sachent que le jour viendra où il faudra rendre des comptes. Schramme comme moi, sommes fermement décidés à aller jusqu’au bout, car nous n’avons rien à perdre et nous ne pouvons accepter de nous laisser manœuvrer par des promesses qui, dès que nous aurions déposé les armes, seraient nulles. Mobutu joue sa tête. Comment des hommes, des gouvernements dignes de pays civilisés, peuvent-ils accepter cette anarchie ? Et cet acharnement contre des innocents ou des gens désarmés ? Alors, qu’est cette soi-disant armée, devant une petite force organisée ? Ils se conduisent comme des lâches et ne peuvent arriver à nous réduire. J’ai honte, et je plains ceux qui pourraient nous aider, de se laisser neutraliser par des intérêts ou des influences. L’histoire jugera. Il est facile de nous accuser, mais la conscience de certains est lourde du sang des innocents. Et par rapport à ce qui peut arriver, ce n’est qu’un échantillon. Je doute qu’ils sachent prendre leurs responsabilités à temps. Lorsqu’on pense qu’après l’arrestation des hommes de la base arrière de Kinshasa, chargés du service administratif, il y avait là des Belges, des Français, des Espagnols, des Italiens. Leurs épouses et leurs enfants ayant été arrêtés et conduits en prison, pas une ambassade n’a osé intervenir. Je sais que certains d’entre eux ont été lâchement assassinés. On dit que tous l’ont été. Je n’en ai pas la preuve, mais il serait facile que les responsables s’occupent de leurs ressortissants, car ce sont des hommes. Il n’y a pas eu la moindre réaction, je suis écœuré. Ma responsabilité est lourde devant les veuves, les orphelins, les blessés. Qui va payer les pensions ? Je sais, on va dire : Ils n’avaient qu’à rester tranquilles. Bien sûr, nous devions nous mettre dans le troupeau, et nous faire égorger comme des moutons. C’est ce que l’A.N.C. attendait. Mais ça, jamais. Pour nous, il n’y a pas deux façons de mourir, mais bien une, les armes à la main. Je suis encore là pour aider mon ami Schramme et aller jusqu’au bout ; j’espère que le monde prendra conscience avant qu’il ne soit trop tard.

Réconciliation

Il y a aussi les Katangais et les Simbas ralliés, les deux plus grands ennemis réconciliés. N’est-ce pas la preuve la plus flagrante de la lutte contre la pourriture de Kinshasa ? Aujourd’hui, d’autres rebelles rallient notre camp, car ils ont compris que nous luttions pour la même cause qu’eux. Une réconciliation est toujours possible, mais avant, il faudrait écarter ceux qui sont avides de pouvoir, et de protéger leurs intérêts personnels. Quoique rares, il existe des hommes propres au Congo ; nous ne traiterons pas avec les corrompus de Kinshasa. Nous ne sommes pas pressés, mais réalistes. Le temps travaille pour nous, et Mobutu, qui subit des influences, se cassera les dents par son orgueil. Je suis un de ceux qui le connait bien, il ne peut pas le nier. C’est pour cela que j’ai dit à Schramme : « Tenez bon. Nous avons gagné » Chaque jour qui passe sonne-le glas de Mobutu. L’avenir du Congo : comme je le disais, la réconciliation est possible. Elle est même indispensable. Surtout que — seul résultat de ce beau gâchis — tout est à refaire, à commencer par le début, parce que le drame congolais demeure. Pour que la réconciliation se fasse, cesser de mentir par exemple. Il est impossible de liquider 2000 Katangais, il est impossible de laisser l’A.N.C. continuer d’assassiner et de piller, Et les mercenaires, de toute façon, sont indispensables. Alors, à quoi bon perdre un temps précieux ? Il faut donc commencer par convaincre, et s’ils ne se laissent pas convaincre, par ceux qui en Europe et aux U.S.A. en ont le pouvoir s’ils le veulent, alors les dirigeants européens et américains en question porteront la responsabilité des terribles massacres qui ne vont aller qu’en s’amplifiant. Et de toute façon, leurs marionnettes seront éliminées par la force des choses. Nous savons que les Européens, à Kinshasa, vivent dans la terreur. Il faut entendre certains d’eux, rentrant, pour comprendre la peur qu’ils ont. Que font les ambassades, responsables de leurs ressortissants, pour prévoir de nouveaux massacres ?
A ma connaissance, rien. Comment en sortir ? Je viens de vous dire qu’il faudrait que tous les responsables au Congo comme ailleurs, cessent de mentir, de faire l’autruche, et aillent enfin au delà des mots, c’est-à-dire aider en actes, ceux qui ont désespérément besoin de nous. Bien sûr, tout au long des pistes congolaises, ici et là, nous avons secouru ceux qui avaient besoin de nous : réparé les ponts, rétabli la paix. Mais, après tout, cela n’était qu’artisanal, et soumis aux lois du hasard. Ceux qui n’avaient pas la chance de se trouver sur notre chemin n’étaient pas secourus, mais exploités. Ces sauvetages dans la désorganisation, doivent être réorganisés systématiquement, jusqu’à l’heure de la vraie paix. Les opérations survie doivent être poursuivies avec le maximum d’efficacité, au service des populations sinistrées. Mais nous ne pouvons rien faire sans l’aide de tous et, avec la pratique actuelle de s’en mettre plein les poches d’abord, l’exemple venant d’en haut, il n’existe donc pas de solution possible, tant que l’intérêt personnel primera sur l’intérêt national. C’est-à-dire qu’il faut un Etat. Or, il n’y a pas d’Etat au Congo. Il y en a tellement peu, que les dirigeants en ignorent jusqu’à la notion. Pour la plupart d’entre eux, être homme d’Etat, c’est aussi pour quelque temps, la possibilité de vider la caisse à son profit, et peu importe les Congolais, pourvu que ses ambitions personnelles soient satisfaites. Il n’y a pas d’Etat, parce qu’il n’y a pas d’homme d’Etat. Lorsqu’on est homme d’Etat, l’intérêt du peuple doit passer avant le prestige personnel.

Des hommes nouveaux

Et pourtant, j’ai tout de même rencontré quelques braves types, quelques Congolais désintéressés. C’est pourquoi je pense qu’il y a tout de même une lueur d’espoir. Sinon, à quoi bon se battre ? Si l’homme qui se bat n’a pas d’idéal, il ne peut pas bien se battre et il perd. L’A.N.C. n’a pas d’idéal. Ce que nous voulons, nous, les mercenaires, puisque l’on nous appelle ainsi, nous voulons, en plus de notre solde, aider ces gens à sortir du chaos dans lequel on les maintient à peu près de force. Nous voulons bien nous battre, mais pour quelque chose à quoi nous puissions croire et voir le résultat de nos actes, pas uniquement pour de l’argent. Oui, j’ai vu au Congo quelques hommes vrais, bons, décidés et désintéressés. De toute façon, la pègre de Kinshasa ne pouvait permettre qu’ils jouent un rôle. Par instinct de conservation, Mobutu et Tshombé avaient eux aussi leurs côtés altruistes, mais ils ont été noyés. Il faut trouver d’autres chefs neufs, authentiques et propres. Il y en a. Le Christ disait à Saint-Pierre : Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église. Pour bâtir le Congo, il faut trouver des pierres ; alors, il y aura peut-être un Etat. Il suffit d’essayer honnêtement. Je sais que c’est un long plaidoyer.
J’ose espérer qu’il ne sera pas exploité ou arrangé selon les opinions de chacun.
Il reste pourtant beaucoup à dire, mais je ne suis pas ici pour faire des discours, mais bien pour tirer la sonnette d’alarme et pour sauver des vies humaines. Je ne puis me résigner à admettre que des peuples civilisés, restent insensibles devant cette lamentable situation. C’est pour cela, Messieurs les Rédacteurs en Chef, que je fais appel à votre sens humanitaire pour informer et dire la vérité à la face du monde.

BOB DENARD

(Tous droits réservés)

A la mémoire du Colonel Denard
et des hommes qui ont servi sous ses ordres

A la mémoire du Colonel Denard
et des hommes qui ont servi sous ses ordres

OPS