Témoignage de Alain TELLIER

 

Mille vies …

Les initiés reconnaîtrons celui qui se cache derrière le pseudo et à qui nous vouons tous une réelle admiration au plan professionnel et une amitié à hauteur de sa gentillesse


Alain Tellier, l’homme de l’ombre aux mille vies.
Dans le milieu assez fermé des soldats de fortune, il est une légende vivante, sa vie est un véritable roman d’aventure. Nous avions entendu parler à diverses reprises d’Alain et quand un camarade nous a proposé d’organiser un rendez vous avec ce personnage haut en couleur qui acceptait pour la première fois de témoigner, nous avons saisi l’occasion sans nous faire prier. Direction Paris ! Là, nous avons pu rencontrer Alain dans un vieux restaurant bougnat qui lui sert de cantine. Méfiant, il téléphonait encore la veille de notre rencontre au contact nous ayant mis en relation pour se faire confirmer que nous étions des gens fiables…

L’homme est chaleureux, et une fois le premier verre commandé, il nous a raconté pendant plusieurs heures son parcours avec un accent de titi parisien prononcé et des tirades tout droit sorties d’un film d’Audiard.
Son enfance se déroule dans un milieu assez populaire dans le Paris d’après guerre, il est néanmoins éduqué par son père dans l’anticommunisme. Pendant son adolescence, il se forme pour travailler en tant qu’ajusteur, mais le travail à l’usine ne la passionne pas et il est plus souvent dehors à se bagarrer contre les rouges avec ses camarades de Jeune Nation qu’à pousser la lime dans l’atelier.
Il est de tous les meetings politiques, à assurer la sécurité, il côtoie les grands noms de tout ce que l’Algérie française compte de partisan. Durant cette période, il fait sa préparation parachutiste militaire, comme la plupart des jeunes nationalistes de son époque, et c’est fort de cette expérience, qu’au moment d’effectuer le service militaire, il se retrouve affecté au 11ème Choc, unité mythique.

Direction l’Algérie, enfin le combat pense t’il, mais nous sommes en 1961, la rébellion algérienne est exsangue, l’époque des grands combats est révolu. Il parvient tout de même à accrocher quelques fois au prix de beaucoup de marche, de soif de fatigue et de patience. Renseignement et action sont la spécialité du régiment, mais aussi les coups tordus, munitions piégés et autre ruse qui ont couté cher aux fellhagas.
De retour en France, son nom est sorti dans l’affaire du complot de Paris, il se retrouve en cavale dans la capitale, à vivre de petit travaux et en dormant parfois chez des camarades, parfois dans la rue. Quand l’affaire s’est enfin tassée, il peut reprendre une vie plus normale. Pour lui, c’est la politique et ses affaires dans la sécurité où pullulent les gens de son espèce, les anciens d’Indochine, d’Algérie ou de Corée. Il se retrouve briseur de grève pour de grande entreprise, payé grassement pour taper sur les gars de la CGT, quelle aubaine pour un nationaliste…Il bosse aussi dans la surveillance des chantiers des HLM de Paris, une sorte de brigade anti squatteur. L’époque des trente glorieuses est bénie pour les contrats de ce genre, la justice n’étant pas trop regardante sur les profils des hommes assurant ces emplois.
Politiquement, il participe à l’aventure « Ordre Nouveau », bien sur pour assurer le service d’ordre..

A la fin des années 70, l’envie d’aventure lui fait souscrire un engagement au sein de l’armée Rodhésienne. L’idée de défendre ce petit pays blanc, seul contre tous, lui est plaisante. Il intègre la 7th company, composé essentiellement de francophone. Pas trop dépaysé par rapport à ce qu’il a vécu en Algérie, le travail consiste à partir plusieurs jours dans le bush, guidé par un autochtone afin de tendre des embuscades aux terros(terroristes) etc..blessé par une grenade, il servira ensuite au Special Branch, service de renseignements rhodésien, qui l’amènera à aller de manière clandestine jusqu’au Mozambique pour surveiller les camps de terros, vivant une vraie vie de broussard.

Une fois son temps d’armée terminé, il rejoint aux Comores le célèbre Bob Denard, le but étant de s’occuper d’une section de la Garde Présidentielle. La GP est une formation militaire ayant pour but de protéger le président ainsi que l’ile des Comores, des volontaires français constituent la quasi-totalité de l’encadrement, en faisant une belle unité opérationnelle.

De retour à Paris, les contrats dans la sécurité s’enchainent, jusqu’au jour ou il est contacté d’urgence pour intervenir au Tchad. Les milices rebelles, financées par Kadhafi, foncent vers le sud pour envahir la capitale, la France se doit de réagir et fait intervenir une équipe de mercenaire. Départ de l’aéroport du Bourget, embarquant au milieu de l’armement directement avec les véhicules. Une fois sur place, l’équipe doit stopper l’avancée des rebelles. Ce qu’ils feront après une traversée du désert épique, reprenant même la ville de Faya Largeau où ils tiendront une ligne de front pendant quelques jours sous les bombardements de l’aviation Lybienne. L’affaire se termine avec l’arrivée de l’armée française, la mission est un franc succès.

Une fois de plus, le voilà de retour dans la capitale. Lors d’un repas avec son vieux copain Roger Holeindre, ce dernier lui propose de s’occuper de la sécurité de Jean Marie Lepen, ce qu’il accepte. Mais le job n’est pas de tout repos, le président du FN n’est pas une personnalité appréciée…Après quelques années de bons et loyaux services, il passe la main au grand Freddy, et c’est avec un grand soulagement qu’il quitte ce poste.

Il continue les missions en Afrique, parfois pour le compte de la Boite(les services) parfois pour des privés. Il se retrouve dans la capitale angolaise, en pleine révolution, avec des combats violents, à assurer la sécurité des employés de Total, il est au Congo en conseiller à la sécurité du président, en Guinée à assure une campagne présidentielle ou a assurer des travaux dans la foret équatoriale etc…

Alain nous assure que comme tout le monde, il a trouvé le temps de parfois s’emmerder, et que pour les hommes comme lui, les temps ayant changé, le monde de la sécurité est devenu compliqué dans les années 2000. Un beau jour, entre deux contrats en sécurité, lors d’un rendez vous Pole Emploi, il s’est entendu dire que ce n’était pas au chômage qu’il avait droit, mais à la retraite… Il n’y avait jamais pensé.. Depuis, il vit tranquillement avec sa petite femme, il profite du temps libre et des copains et nous assure que si c’était à refaire, hé bien…

Avec le concours de Furia Francese


Témoignage de Roger DEHERDER

 

Congo 65
Dans les plantations de Nendaka

Ancien du 1 er REP Sergent (chef de voltige), je pars à nouveau vers l’Afrique, mais cette fois plus au sud, au Congo.


Arrivé au 1 er Choc de Denard dès les premiers jours, je participe à l’échauffement sur Yangambi. Ensuite je rejoins Paulis avec tout le 1 er Choc qui s’est agrandi avant l’Opération Wamba. Dans la voltige de l’Américain Richard Guylfoll, je participe à cette opération avec le souvenir amer d’avoir vu mon chef de voltige tué devant mes yeux. Après cette opération, de retour à Paulis , on me confie la sécurité des plantations de café. Mais auparavant, j’ai quand même reçu un complément à ces ordres puisque je participe à l’opération Buta. Blessé à la main, je repars sur Paulis. A partir de là , plus de nouvelles du 1 er Choc, les distances sont longues. Le colonel Lamouline me nomme Sous lieutenant pour remplacer le capitaine Raoul Piret parti en congés .Je prends le commandement d’une opération pour me rendre dans les plantations de Victor Nendaka le numéro 2 du Congo dans l’affaire Lumumba. Situé à la hauteur de Mungberré à droite de la piste partant de Paulis. Il y a 3 jeeps avec des hommes du 8 ème Codo et des katangais eux aussi du 8 ème Codo embarqués sur des camions. Arrivés sur place, on constate que les plantations sont aux mains des rebelles, ils faisaient travailler des prisonniers (noirs et blancs dont un professeur d’école de Paulis ).Ces rebelles étaient en possession de munitions, d’armes légères chinoises près de 85 et de 3 mitrailleuses. Après un siège de 2 jours, (ces plantations sont très grandes) les rebelles sont tous tués et les prisonniers sauvés. Pas de gros dégâts de notre coté, nous embarquons toutes les armes ennemies. Avant de repartir sur Paulis, le café a été brulé car il avait été arrosé de mazout (presque 2 tonnes). Des ex-prisonniers ont choisi de rester sur place sauf 4 ou 5 (blancs) qui ont décidé de nous suivre. Nous sommes restés 8 jours pour installer comme prévu, des soldats Katangais afin d’assurer la sécurité. Rentré à Paulis, je suis chargé de sécuriser la voie de chemin de fer de Paulis à Buta, voie ferrée importante qu’il fallait remettre en mouvement.


Retrouvailles avec les Soeurs otages de Buta,
46 ans après …


Ces 9 et 10 Avril 2011, DEHERDER Roger, DINANT Eddy , HENRIVAUX Gilbert, LAPONTERIQUE J-C et SPEECKAERT Georges, tous Anciens du 1er Choc au Congo 1965 , se sont rendus dans le nord de la Belgique pour rendre visite aux Soeurs qu’ils avaient libérées alors qu’elles étaient retenues en otage, le 27 juin 1965.


Ces hommes, combattants obscurs


De part le monde, il y a toujours eu des hommes qui partent au combat volontairement. Des hommes qui partent sans « sécu », sans congés payés , sans ticket resto. Ils partent sans les honneurs d’un beau défilé, sans espoir de médailles. Sans hommages pour leurs morts. Mais ils partent….. !

De part le monde, ces hommes partent au combat,payés par des pays, des gouvernements, qui demandent leur vie en échange, dans un effort sans répits.

Les troupes que ces pays n’ont pu envoyer pour des raisons diverses politiques ou stratégiques ne sont pas en cause.

Combien de médailles ces hommes sans noms, sans drapeaux qui libèrent des villes, qui libèrent des otages qui libèrent des régions, devraient-ils avoir ?

Beaucoup se sont demandés, qui étaient ces gens qui s’engageaient pour des pays qui n’étaient pas le leur. Simplement l’envie de combattre, de connaître l’appréhension qui tenaille chaque homme avant les premiers tirs. De connaître la peur qui fait un homme.

De ces hommes certains ont payé de leur vie, d’autres ont été blessés gravement et handicapés pour toujours, sans les honneurs, sans garanties et qui n’ont pas eu la reconnaissance de leur nation.

De toutes les populations libérées, tous les otages délivrés, combien par la suite ont réclamé des honneurs pour ces hommes, personne !

L’être humain est ingrat, il oublie vite dès que tout redevient normal.

Il oublie le sacrifice de ces combattants. Des hommes qui ont marchés sans relâches Qui ont combattus avec bravoure. Il oublie les souffrances de ces hommes dans des marches sans limites dans des combats sans retour et dans les yeux parfois la tristesse d’avoir perdu un camarade.

Combien maintenant peuvent témoigner et dire toute la vérité. La discrétion dans ce métier est de rigueur , mais il est aussi du devoir de ces combattants de raconter les péripéties de leur vie. Car l’histoire retiendra plus tard ce qu’elle voudra et peut-être le pire.

Beaucoup sont partis dans le royaume des guerriers, c’est la destinée de tous, mais la notre est unique.

Pour les survivants de ces périodes mouvementées, soyez fiers de votre passé.

Beaucoup nous ont dénigrés par principe sans savoir, sans connaître les tenants et les aboutissants des évènements auquel nous étions confrontés. On nous a donné une étiquette encore une fois sans pouvoir nous demander notre avis sur la question. Il est vrai que nous avons combattu le plus souvent le communisme, la plaie essentielle du 20 ème siècle. Nous ne le regrettons pas quand on sait ce que Staline et ses copains ont fait. Les médias ne nous ont pas fait de cadeaux, et pourtant il suffirai de nous connaître.

Nous n’oublions pas les massacres de nos camarades dans divers endroits de la planète, en particulier celui de Kinshasa. Un massacre de trente hommes sans armes et torturés avant de mourir.

A nos morts

A ceux qui sont restés à jamais abandonnés sur ces terres lointaines. Mais le plus important pour ces combattants, c’est l’instant d’avant, ……après… !

J’ajouterai cette maxime de A. de Saint Exupéry : Le soldat n’est pas homme de violence. Il porte les armes et risque sa vie, pour des fautes qui ne sont pas les siennes. Son mérite est d’aller au bout de sa parole, tout en sachant qu’il est voué à l’oubli…..

JC Laponterique, le 31 janvier 2011


Témoignage de JC LAPONTERIQUE

 

Ancien du 1 er Choc de Denard 1965 , Section Voltige de Bruni. Libération des otages et prise des villes de Wamba , Buta , Aketi et Bumba.

Le Colonel, en partant, a déclenché pour la plupart d’entre nous un électrochoc à notre cerveau. Depuis près de 40 ans pour certains, un peu moins pour d’autres, nous avions enfoui dans une case de notre cerveau une partie de notre vie. Pour beaucoup, ces moments forts se sont mis en sommeil dans un petit coffre fermé à double tour. Pendant ces années, nous avons presque tous formé une famille, vaqué à nos occupations professionnelles sans penser bien souvent à ces moments.


Mais la nature est bien faite, notre mémoire aussi. Le départ du Colonel a fait ressurgir du fond de notre mémoire tout ce passé qui était enfermé. C’est sûr que parfois durant ces années on y pensait, mais en l’effleurant, sans pouvoir en parler avec d’autres. C’est le Colonel qui avait la clé, en partant il a réuni beaucoup d’anciens autour d’un foyer qui s’appelle « OPN »

Notre mémoire travaille à temps complet depuis votre départ, elle ne connaît pas de repos. Il faut reconnaître que notre cerveau fait bien les choses, retrouve des lieux, des noms, des faits un peu modifiés parfois à cause des années de sommeil, mais cela suffit pour apporter la vérité sur l’histoire des événements liés à ces moments.

Mon Colonel, vous ne pouviez pas vous douter de l’impact que votre départ a suscité auprès des anciens de toutes générations que vous avez eu sous vos ordres, auprès aussi de personnes qui ont une admiration pour votre parcours et qui le prouvent chaque année à Grayan par leur présence ou par leur message sur le site.Ce déclic qui nous permet de retrouver nos souvenirs, on vous le doit. Vous voyez la marmite bout toujours…. !

JC Laponterique, le 17 novembre 2010


Témoignage de Freddy Thielmans.

D’origine belge, Freddy fut des épopées katangaises, yéménites, congolaises, et plus tard rejoignit la GP des Comores.

Après quelques temps à Moroni, le Colonel lui confia la responsabilité de l’antenne en Afrique du Sud, à la fois chargé des relations avec l’Afrique du Sud et du soutien de la GP.


Un épisode de l’épopée katangaise m’est revenu en mémoire à la suite d’un article sur le commandant Faulques (La Nouvelle Revue d’Histoire, Mai-Juin 2004) pour nous à l’époque Colonel Faulques. Le sujet en était la retraite de Cao-Bang et les combats de la RC 4 en Indochine.

Le récit ci-après, m’aura permis de mentionner un camarade qui est tombé dans l’oubli et que je salue très amicalement si comme je l’espère il est toujours en vie.

Thadeus (Thadee) Kowalsky était un ancien de la Légion, REI , blessé lors des combats de la RC 4. Tous les doigts de la main droite emportés par l’explosion d’une grenade, ainsi qu’un un gros morceau du muscle de l‘épaule gauche manquant, la Légion l’avait mis à la retraite. Il ne pouvait plus se servir que de la main gauche pour utiliser au maximum un pistolet.

A la suite de renseignements, nous apprenons que l’ANC (Armée Nationale Congolaise) tente de franchir une rivière qui fait la frontière au nord de Kindu entre le Katanga et le Kivu. De nuit, nous partons, nous étions 5, avec un détachement de Katangais. Arrivés à proximité de la frontière nous tombons dans une embuscade, Bob prend une balle qui traverse sa main gauche. Repli rapide et regroupement à quelques centaines de mètres. Pas d’autres bobos a déplorer.

Nous attendons l’aube et repartons à l’assaut de la crête ou noùs étions tombés dans l’embuscade. Heureusement, ce n’était qu’une avant-garde de l’ANC, pas très nombreuse, et nous parvenons à les repousser de l’autre coté de la rivière. Alors que nous pensions l’affaire terminée et retournions vers notre position de départ une mitrailleuse nous prend a partie. Les 2 Katangais qui marchaient derrière moi se font hacher et j’entends Thadee qui marchait de l’autre coté de la route s’écrouler. Une balle entrée en dessous de l’omoplate lui a traversé le poumon et est ressortie par l’épaule droite emportant un gros morceau de muscle. Thadee est évacué assez rapidement par le vol régulier Kindu – Kolwezi.

Entre-temps, à Elisabethville, l’ONU avait lancé son offensive contre nous. Ordre est donné de regrouper tous les mercenaires et le maximum de Katangais pour faire face à l’ONU. Pour ce faire Roger Bracco arrive avec un DC3 pour nous emmener sur Kolwezi. Le lendemain, avant de repartir, Bob et moi passons voir Thadee à l’hôpital avec une bouteille de Gin. Le bonhomme tout souriant voulait nous accompagner, heureusement les bonnes sœurs sont parvenues à le calmer.

Lorsque rétabli il a voulu nous rejoindre, Bob, la mort dans l’âme, a du refuser. Thadee n’aurait pu porter une arme ni faire aucun exercice physique du fait des muscles atrophiés de ses 2 bras. C’est la dernière fois que j’ai entendu parler de lui.

Cela a du être le jour le plus difficile de sa vie, la Légion, la camaraderie le combat étaient sa vie. Je ne l’ai jamais entendu parler de sa vie à la Légion ou de ses combats. Modeste, toujours souriant, et toujours dans la jeep de tête. Je ne sais pas ce qu’il est devenu mais il est de ceux qui méritent une mention dans notre histoire et un salut fraternel, de même que Maury qui était avec nous lors de cet épisode…

Souvenirs de compagnons perdus de vue…

Revu sur les photos du Katanga quelques têtes qui méritent une mention spéciale.

Charles Rascar ; dit « Charlie la gâchette ». Il avait un revolver 22 canon de 6 pouces et savait s’en servir. Garçon calme, très bon camarade bien qu’un peu renfermé. Apres le Katanga et un bref séjour au Yémen nous avons appris qu’il était parti pour l’Amérique du Sud. Peu de temps après il s’est suicidé.

Charles Gardien ; Katanga et Yemen puis Congo ou il épousera une Congolaise. Au Yémen les locaux l’avaient baptisé « Abuchenab » « l’homme à la moustache » , qu’il avait abondante !

Maury ; l’anecdote qui suit est réelle, elle vient de Bob. Maury avait une boucherie à Cannes, lorsque Bob est allé le voir et lui a parlé du Yémen Maury a enlevé son tablier l’a jeté sur le comptoir et à sa femme qui lui demandait ce qui se passait, il a répondu « je vais à la chasse au crocodile » et Maury était du voyage.

Jean Kay ; garçon très doué, mécanicien et opérateur radio au Yemen. Séjour assez bref. Retour en France ou il essaie de s’emparer d’un avion pour apporter des vivres à des refugies du Biafra. Fin de sa carrière de mercenaire.

Philippe William ; après le Yemen, un séjour en Belgique puis se retrouve en Namibie ou il achète une « game farm ». Bob en a rapporté un beau trophée de chasse.

Loulou Martin ; ancien commandant de la Légion, Yémen puis commandant de la Garde Présidentielle du Gabon.

François Hetzlen ; Compagnon de la Libération dit Baron, Katanga puis Yémen. Malgré la différence d’âge avec les jeunots que nous étions, vraiment un gars très chouette et un bon compagnon.

Lors d’un passage à Beyrouth (où nous devions passer la nuit avant de prendre la correspondance pour le Yémen par l ‘Arabie Saoudite), Bob emporte un lance roquette Matra 120mm avec roquettes de démo (pas de vrai munitions) qu’il va essayer de vendre aux Saoudiens. De plus nous étions tous porteurs de pistolets G.P.9 mm avec des munitions dans nos bagages à mains. Aux douaniers qui commencent à nous poser des questions sur le colis du lance roquette nous expliquons que nous faisons des relevés topographiques et qu’il s’agit d’un télémètre. La réponse semble les satisfaire. Toutefois sachant que le lendemain il va falloir repasser immigration et douane, Bob a la bonne idée de se plaindre de ce que nos bagages sont encombrants, surtout le télémètre, et demande aux douaniers de pouvoir laisser nos bagages à mains et le télémètre en transit, sous la garde des douaniers. Accordé ! Nous n’emportons que le nécessaire pour passer la nuit à l’hôtel. Le lendemain pas de douane à passer, nous récupérons nos armes dans la zone transit ! En Arabie Saoudite, toujours attendu par un officiel nous passons les contrôles sans problèmes. Je n’essaierais certainement pas ce genre de choses de nos jours.

Freddy.


Témoignage de Gilbert HENRIVAUX

 

Avec d’autres Belges, j’ai rejoint le 1 er Choc de Bob Denard en Mars 1965 à Stanleyville. J’avais 26 ans. Ancien de la Légion, j’avais décidé de partir dans ce coin d’Afrique pour connaître d’autres sensations.


J’ai eu ma dose dès mon arrivée en participant à l’opération Yangambi, la toute première opération du 1 er Choc composé environ d’une trentaine de mercenaires.

J’ai ensuite participé le 7 Avril à la grande opération Wamba. A Paulis, dans une petite opération de récupération de marchandises volées, j’ai été blessé à la main. Je me suis retrouvé ensuite à la logistique du 1 er Choc et du 6 ème Codo à Stan. J’ai eu l’occasion de participer aux recherches sans réussite, du gros Hélico H21 tombé entre Stan et Buta, à bord d’un Bell X1, la jungle dans cette zone là étant très épaisse.

Opération Yangambi 20 Mars 1965

A notre arrivée à Stanleyville, nous nous sommes installés dans de magnifiques villas abandonnées et détériorées de l’université. Après avoir pris nos repères, réception et vérification de notre armement, assez rapidement d’ailleurs car le Cdt Denard avait reçu l’ordre de l’état major du Colonel Mulamba et du Colonel Lamouline de délivrer et ramener un certain nombre de réfugiés évalué à 2000 personnes femmes et enfants, prisonniers des rebelles Simbas à Yangambi, sur le fleuve Congo.

Les rebelles menaçant de tuer tout le monde en représailles des pertes subies suite aux différentes opérations des groupes de mercenaires qui les traquaient sans relâche, le Commandant décida d’une opération par le fleuve, de nuit pour être sur zone à l’aube. Il s’agissait de surprendre les rebelles qui seraient encore endormis et abrutis d’alcool et de Chanvre ! Bonne initiative qui venait d’un chef compétent, rompu à la guérilla de jungle. Sûr que l’expérience acquise en Indochine et au Katanga ont fait leurs effets.Dés la nuit tombée, nous embarquons sur des barges tirées par un petit remorqueur. Nous étions environ une trentaine plus une vingtaine de soldats katangais.Nous avons navigué toute la nuit pour descendre le fleuve Congo sur une distance d’une centaine de kilomètres, sans commettre le moindre bruit, la prudence étant de mise. Dévorés par des nuées de moustiques, nous étions tous tendus, anxieux, car c’était pour la plupart un premier contact avec cette jungle qui paraissait hostile donc l’inconnu total.Aux lueurs de l’aube, nous apercevons des bâtiments et des cases en pisé. Un de nos gradé Carl Couke nous dit, ça y est les gars, on y est ! Nous devons aller vers des grands bâtiments où sont regroupés les otages condamnés.

– Armez les flingues et on fonce. !Pour cerner les bâtiments, une partie du groupe est descendue dans l’eau boueuse. L’autre partie contournant dans l’autre sens, formant une tenaille pour prendre à revers les rebelles.Le 1 er groupe avait à peine atteint la rive que les premiers tirs d’armes automatiques se sont fait entendre. Les balles sifflaient loin de nous. Nous avions embarqué une P50 et Valentin le tireur a arrosé le secteur copieusement. Comme nous étions tous animés du désir d’en découdre, nous avons foncé entre les cases vides où brulaienst encore des feux sous des récipients remplis de nourriture. Difficile d’identifier ce qu’il y avait dedans lorsque l’on ne connaît pas le pays.Je ne m’attarde pas et je cours avec les autres me mettre en position et faire feu. Bientôt, les rebelles décrochent et disparaissent dans le brousse.Le calme revenu, nous cherchons les otages et trouvons des gens par petits groupes, hagards, sales, en loques. Ne pouvant rester dans cet endroit, les rebelles n’étant pas loin, les réfugiés embarquent dans les barges direction Stanleyville et nous laissons une petite garnison de Katangais pour sécuriser l’endroit. Nous rentrons sans une égratignure.Tous ces réfugiés furent accueillis par le Colonel Mulamba, le consul de France et le gouverneur de l’Uélé. Le Cdt Denard était satisfait de ce résultat, ce qui laissait présager d’autres opérations.Après les effusions, nous sommes rentrés dans nos quartiers pour nettoyer nos armes, nous laver, manger et dormir car nous étions crevés. Durant cette opération la tension nerveuse était palpable pour la plupart d’entre nous. Le désir de bien faire les choses, de réussir sans trop de dégâts était important pour l’image que le 1 er Choc devait donner.

Mais nous étions heureux et fiers d’être dans une unité d’élite.

Gilbert HENRIVAUX, le 16 novembre 2010


Témoignage de Louis GILBERT

Gilbert Louis était avec le Colonel DENARD au Congo, en 1965 – 1966 .


 

Groupe dont j’ai fait partie:
Bob NODYN: Ops fleuve à Bolobo
Lieutenant GAGANOVITCH: Wanié Rukula
Lieutenant GOUAULT: Route Bafwuasendé
Bataillon Baka
Peloton « Diabos »:
Colonel Tshipola et Major Moambo. 2 pelotons Katangais pour ouverture de route Bafuasendé.
Je faisais partie du 6ème BCE à Stan en 1965/1966. Nous étions avec deux pelotons de katangais du bataillon Baka commandés par le Colonel Tshipola et le Major Moambo .
Le 23 Juillet 1966, nous étions sur des positions sur la route de Bafwuasendé jusqu’au km 160 et toujours en zone rouge (Prime de danger), avec le peloton Katangais, nous sommes remontés vers Stan jusqu’au Km 22 pour prendre Stan tenu par l’ANC. Sur place, nous avons du rebrousser chemin et rentrer sur nos positions car il y avait eu des fuites. Des avions de l’ANC survolaient la zone. Nous sommes retournés sur nos positions au Km 160.
Quelques jours plus tard, nous avons recommencé l’opération. Partis de nuit, nous sommes en position au Km 122 dans la matinée avec pour mission de descendre sur Stan vers 12h30 pour prendre la ville. Au moment de l’assaut, j’étais à bord d’une jeep mitrailleuse, PUT était chauffeur et STEVENART voltigeur gauche, il y avait aussi un katangais blessé auparavant dans un accrochage. J’étais mitrailleur à la point 30.
Lorsque nous avons débordé le camp Kétélé par la gauche à l’entrée de Stan, les katangais du camp nous ont pris pour cible. Cela tirait dans tous les sens. Pourquoi ??? Ont-ils pris peur, une erreur, la panique, je n’en sais rien. PUT a reçu une balle dans le ventre et STEVENART une dans le genou et une dans la cuisse. La jeep criblée d’impact sur tout le flanc gauche verse dans le bas côté de la piste. J’ai eu de la chance, je n’étais pas blessé. Elle était criblée d’impact. Les katangais tiraient dans tous les sens. Le katangais qui nous accompagnait a pris la fuite. J’ai ramené PUT Karl au camp Kétélé qui se trouvais à proximité et ensuite je suis retourné chercher STEVENART. Nous sommes entrés dans le camp par sous la clôture. A l’approche du camp, j’ai crié « Diabos » du nom du peloton dont nous faisions partie et nous n’avons plus essuyé de tir.
Juillet 1966. Suite aux exactions des katangais à Stan, le colonel DENARD voulait prendre de la distance suite aux injonctions de MOBUTU qui n’appréciait pas que certains mercenaires aient pris part aux hostilités de Stan. Il voulait rester neutre dans le conflit naissant avec MOBUTU. Pour ma part, il a eu raison, sinon ils auraient sacrifiés ses hommes, l’ANC n’aurait pas fait de cadeaux à notre encontre.
Un jour, tôt en matinée, nous étions à la villa du Colonel DENARD située à une centaine de mètres du carrefour Dr. Carlson menant à l’aéroport. Nous sommes partis avec le Colonel DENARD et Capitaine Bruni avec une trentaine d’européen pour prendre les positions katangaises à l’intérieur de la ville. Nous avons pu prendre tous les postes. Ils n’ont pas opposés beaucoup de résistance. je pense qu’il n’y a eu qu’un blessé par mortier.
Après cette attaque, plusieurs jours, nous sommes restés en position au carrefour du Dr. Carlson. Nous étions deux européens. Il fallait couper la retraite à d’éventuel katangais qui voulait rejoindre les leurs au camp « Baka ». Un jour de juillet 1966, des katangais voulait passer à tous prix. J’étais avec Pascal SERONT. Cela ferraillait dur. Le tir à l’arme automatique des katangais était très précis. Nous étions dans le caniveau et plus moyen de faire mouvement. C’est alors que DENARD a entendu la ferraille et la situation périlleuse dans laquelle nous nous trouvions. Il a bondi dans une jeep avec son chauffeur DOMANGE, si mes souvenirs sons bons. Le Colonel à la point 30 est venus nous sortir du guêpier. Je me souviens, il n’arrêtait pas d’arroser les katangais qui se trouvaient à une trentaine de mètre de notre position. Franchement, nous n’en menions pas large à ce moment. Nous n’avons pas été blessés. On est rentré à la villa du colonel.
Le colonel DENARD était un bon chef et protégeait bien ses hommes, toujours dans le bain avec nous.
Louis GILBERT, le 12 Juillet 2010

Ode a ceux de notre corporation.


 
C’étaient des hommes. Avec leur odeur de cuir, de sueur et d’armes de guerre.
Ils viennent d’un autre temps, d’un autre ciel.
Ce sont les derniers fidèles d’une austère religion, celle du courage et de la mort.
Pirates ou chevaliers, terribles ou fraternels, ce sont les hommes de guerre.
Seuls, ils échappent au grotesque d’une époque dérisoire, ils viennent d’un monde où l’on ne triche pas.
Les guerriers aiment rarement la guerre, ils l’affrontent voilà tout. En s’efforçant de ne pas trembler.
Héros méconnus de faits d’armes sans gloire, de souffrances obscures, ils font en silence ce qui doit être fait.
Ils sont de l’espèce qui se rase pour mourir.
Ils croient à la rédemption de l’homme par la vertu de l’exercice et du pas cadencé.
Ils cultivent la forme physique et la belle gueule, s’offrent le luxe des réveils précoces dans les matins glacés et des marches harassantes pour la joie de s’éprouver.
Ce sont les derniers poètes de la gratuité absolue
Ces hommes éveillent la nostalgie d’une époque où les héros n’étaient pas fatigués.

Marc G.


La cuisinière du Vulcain


 

Pour l’operation des Comores 95, le Colonel avait pensé qu’une femme parmi l’équipage, permettrait de moins attirer l’attention au moment des préparatifs de départ, quand le bateau était encore à quai aux vues de tous et surtout des autorités portuaires hollandaises.

Sandrine, sans être mise dans le secret, savait plus ou moins que nous n’allions pas à la recherche de trésors sous-marins au large des Philippines. Et puis il fallait oser ! s’embarquer comme ça (au propre et au figuré) pour on ne sait où, seule femme à bord parmi 36 hommes.

Pendant tout le long voyage, plus d’un mois de mer, Sandrine s’est montrée discrète, remplissant parfaitement sa tâche, sans « s’exposer » … De sa cuisine à sa cabine, de sa cabine à sa cuisine … c’était le meilleur moyen d’éviter d’éventuelles « sollicitations ». Il est vrai que les esprits étaient ailleurs et que même les « chiens jaunes » , selon l’expression du Commandant du bateau, avaient de quoi nourrir leur imagination, le soir, avant de s’endormir sur leur couchette. Quand le jour J est venu, elle voulait débarquer avec les 4 groupes ! Je suis presque certain qu’avec une petite formation « technique », elle n’aurait pas été en reste ! Le Colonel lui a concédé qu’elle pourrait accompagner le Bosco, qui une fois les groupes débarqués, devaient ramener les zodiacs a bord du Vulcain. Ce qui fut fait !

Une sacrée Nana Sandrine ….

Un membre du GEV Ops 95

A lire ; extraits de « Corsaire de la République » par le Colonel R. DENARD avec la collaboration de Georges FLEURY.

Comores 1995 – Opération Kashkazi – Le dernier baroud

28 septembre 1995 – 28 septembre 2009

Opération Kashkazi


 

28 septembre 2009 … nous en avons presque oublié que cette date commémore le 14 eme anniversaire de l’opération Kashkazi. La date de cette opération, petite sœur de l’opération du 13 mai 1978 ne restera pas gravée dans les mémoires. Son aînée, il est vrai, a hérité d’une date de naissance plus symbolique, plus historique … Mais surtout, l’opération du 13 mai 1978 allait donner naissance à l’épopée Comorienne, à la réalisation d’un des rêves du Colonel, à la Garde Présidentielle. En comité restreint, pendant les glorieuses années de la GP, entre les murs du Centre Nautique, le 13 mai aura été suffisamment célébré (!!!), pour qu’on s’en souvienne.

Si donc la date du 28 septembre 1995 n’est pas gravée dans les mémoires, l’opération Kashkazi elle-même a quand même marqué les esprits.

De la justice …

D’abord parce que l’opération verra son épilogue sur les bancs du Tribunal de Paris en février et mars 2006, soit plus de 10 ans après les faits. Vous pouvez retrouver tous les détails du procès sur www.denard-comores95.info

Des medias …

Ensuite, les jours qui ont suivi étaient relayés quasiment en direct sur les chaînes de télévision, avec intervention du Colonel au journal de 20h00 de TF 1. Le Colonel qui s’était, en quelque sorte, allié les journalistes qui pour certains et certaines, n’avaient pas hésité à passer quelques nuits parmi les Experts Volontaires, à Kandani, au plus fort de la tension, et sous la menace d’un assaut des forces françaises. A ce sujet, les analyses qui suivront ne laisseront aucun doute sur cette éventualité, d’ailleurs « normale » sur un plan strictement militaire. Nous y reviendrons. Notons au passage que le Colonel avait eu « du nez » en ouvrant les portes de Kandani aux journalistes car nul doute que leur présence a pesé dans la balance au moment de décider si oui ou non l’assaut serait donné.

De l’armée française…

Respect mutuel… Les Experts Volontaires sont pour la plupart tous issus de ces « régiments d’élites », du même moule, du même creuset que les soldats français qu’ils retrouvaient face a eux, et pour beaucoup seules les circonstances ont fait qu’ils se sient retrouvés d’un cote ou de l’autre, d’ailleurs pendant qu’ils les gardaient prisonniers au camp de Voidjou, nombre de soldats français avaient fait des offres de service, et un des Experts Volontaires qui participait à l’opération avait son frère (même père même mère comme diraient nos amis africains !) qui servait au 2 eme RPIMa. Ils se sont donc retrouvés face à face, c’est dire ! Mais, résultat des versatilités ou des luttes d’influence au sein de l’appareil politique français, après analyses, « après coup », après discussions avec les camarades que les uns ou les autres avaient conservé dans les unités qui étaient intervenues, il est apparu très clairement une évolution du discours qui avait été tenu aux soldats français. Hors mis qu’Alain Juppé, premier ministre, déclarait d’abord que la France n’interviendrait pas, les premiers « contacts »avec les troupes finalement débarquées, étaient plutôt « amicaux ». Puis une seconde vague à qui les Experts Volontaires avaient été décrit comme des individus sans foi ni loi, a très nettement fait monter la pression, pour préparer l’opinion à un assaut contre le Colonel et ses hommes; tirant sur tout ce qui bougeait, (en particulier atour de l’ambassade de France à Moroni, pourtant située bien loin du camp de Kandani ou les hommes du Colonel étaient retranchés), blessant un journaliste Français et tuant le conducteur comorien de la moto qui le transportait, comme si ils avaient constitué une menace. On ne parlera pas du traitement indigne infligé à un « vieux soldat » comme le Bosco qui avec le Capitaine F.et son équipe de mécanos, la cuisinière Sandrine, étaient restés à bord du Vulcain et rapidement fait prisonniers.

De L’opération …

Beaucoup a été écrit sur l’opération, peut être pas toujours avec exactitude. D’un strict plan technique, l’opération fut une superbe réussite.

Apres son exil en Afrique du Sud et les 9 mois de prison que lui avait valu son retour en France, le Colonel était sollicité par des hommes politiques comoriens pour revenir aux Comores, manquait le financement. La dessus mystère… mais un jour de la fin de l’année 1994, par un après midi ou il pleuvait à torrent sur Paris, il se retrouve avec 3 de ses cadres, dans une voiture, ils s’arrêtent sur un parking autour de la place du Château de Vincennes, et le Vieux pose, comme ils disaient souvent, la « question de confiance ». En l’occurrence « on la fait ou on la fait pas » …il parlait de la future opération Kashkazi …. A l’unanimité, la réponse fut oui, à partir de la n peut penser qu’il a fait en sorte d’activer les contacts qu’il avait pour trouver l’argent nécessaire à la réalisation de l’opération.

Le 4 janvier 1995, il annonçait à ces 3 mêmes cadres qu’il avait trouvé l’argent et leur posait une nouvelle fois « la question de confiance », mais la réponse des 3 hommes lui avait été donné dès lors que la décision avait été prise sur la place du Château de Vincennes.

Dès lors, les préparatifs de l’opération commencent, pour aboutir 9 mois plus tard au débarquement du 28 septembre 1995. Les grandes lignes de ces préparatifs furent de déterminer la forme de la mission et les moyens humains et matériels nécessaires, puis trouver, acheter et préparer le bateau, trouver acheter et acheminer le matériel et … l’armement ( !), et enfin recruter le personnel. Pour ce volet, le Colonel avait voulu renouveler ses effectifs. Il est vrai que nombre d’anciens étaient …. anciens et souvent rangés !! Il avait donc décidé de recruter parmi la nouvelle vague des Volontaires, ce qui ne manquait pas avec les conflits en Birmanie ou en Yougoslavie. Quelques Volontaires n’avaient pas un parcours militaire ou paramilitaire, mais furent jugés apte à faire le coup de feu et personne parmi eux ne faillit. Les cadres de l’Opération avaient tous appartenu à la GP, et connaissaient donc parfaitement le terrain et les hommes !

L’opération fut donc une réussite. Ce n’était pourtant pas une opération si facile. Les cadres du commando connaissaient le terrain et les hommes, et la phase de préparation avait servi également à réactiver les contacts avec les anciens cadres comoriens de la GP, les fideles, mais il n était plus qu’une poignée, car à la dissolution de la GP en 89, beaucoup avaient préféré démissionner de l‘armée. Ceux qui avaient choisi de rester, étaient souvent victime de brimades ou mis au placard … Bien sur, personne au sein de ce noyau de fideles n’était au courant des préparatifs de l’opération, cela aurait d’une part été trop risqué, et d’autre part, pas très utile. Il avait juste été demandé de faire débrancher la sirène d’alerte de Kandani. ( Il est probable que bien des fois, les coopérants qui résidaient sur les hauteurs d’Itsandra, aux alentours de la Résidence Présidentielle de M’rodjou, au dessus de Kandani, ont du maudire la GP, quand au cœur de la nuit, la sirène retentissait pour un exercice d’alerte ! La GP se mettait en branle, les compagnies sortaient du camp, moteurs ronflants pour aller prendre leurs positions ou partir en manœuvre…)

Opération pas si facile, car il fallait neutraliser les forces armées, qui occupaient donc Kandani dont elles avaient pris possession en 89 après la dissolution de la GP. Kandani que les cadres du commando connaissaient comme leur poche, si ce n’est mieux, pour y avoir vécu plus de 10 ans ! Il n’était évidemment pas question de faire un carnage, et le moindre dérapage, aurait pu faire que tout bascule, et à une trentaine contre 600, il aurait été difficile d’enlever les objectifs.

L’opération reposait donc en grande partie sur l’effet de surprise d’une part, et sur l’aura du Colonel auprès des soldats Comoriens d’autre part. Opération pas si facile dont la clé du succès fut une parfaite et minutieuse préparation, et une parfaite exécution. Les détails…ils sont plus ou moins bien relatés dans ce qui a été écrit à ce sujet. Retenons que le but de cette opération était de destituer le Président Djohar, que ce fut fait et bien fait, et que celui-ci, ne s’est pas vu remis en place par l’intervention de l’armée française …CQFD…

Ce que je voudrais dire enfin, en forme d’hommage aux hommes aujourd’hui disparus qui ont participé à cette opération, ou à d’autres, comme celle du Benin en 77 ou des Comores 78, c’est que je suis admiratif de ces hommes qui s’en vont, une poignée, à l’aventure, conquérir un pays, et que jamais ils ne doutent …. Là peut être se trouve la justification de notre devise « Orbs Patria Nostra !!! »

Un membre du GEV

A lire ; extraits de « Corsaire de la République » par le Colonel R. DENARD avec la collaboration de Georges FLEURY.

Comores 1995 – Opération Kashkazi – Le dernier baroud

Le Congo, le plus grand cimetière des Mercenaires


 

Durant 1965,1966 et 1967 du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest de ce pays, plus d’une centaine de mercenaires sont morts. En l’espace de 32 mois de nombreux mercenaires sous les ordres de Denard, de Hoare et de Schramme sont tombés au combat. La partie du Nord-est du Congo détient la plus grande part de morts .Ils sont morts pour rétablir la paix, mais elle a quand même eu du mal à s’installer. S’il faut considérer qu’elle s’est installée !

Il faut signaler le grand massacre de Kinshasa organisé par Mobutu sur une trentaine d’hommes qui étaient en transit pour l’Europe, donc sans armes. Cette tuerie fait suite au retournement de situation dans la région de Stanleyville (Kisangani), voir la révolte des katangais sur le livre de Denard (le roi de Fortune). Cette trentaine d’hommes ont été pris au piège, non averti du danger qui allait venir. Mobutu a tué des hommes qui avaient libéré son pays. Il a tué des hommes sortis victorieux des combats dans la jungle. Mobutu, tel le scorpion sur le dos de la grenouille a qui il demande son aide pour traverser la rivière mais qui malgré tout la pique au milieu du gué. Il a fait pareil mais là, ce n’est pas une fable… !

Il y a eu d’autres morts les années précédentes et les années suivantes dans d’autres pays d’Afrique et ailleurs, le Yémen, le Biafra, le Tchad, le Benin etc. mais jamais autant qu’au Congo. On peut aussi ajouter tous les blessés graves handicapés à vie, plus d’une centaine aussi. Nous n’oublions pas non plus, nos soldats Katangais qui ont combattu à nos cotés et dont certains ont payé de leur vie. Ce grand pays explosif depuis son indépendance, n’est pas encore calmé en 2009. Si l’on compte toutes les rébellions qui ont suivi jusqu’à maintenant et tous les morts civils et militaires, certains historiens avancent le chiffre de 2 millions de morts.


Les derniers hommes de DENARD


 

C’est fini , il n’y aura plus de Soldats de fortune , d’Affreux, de guerriers qui auraient pu servir sous les ordres du Colonel Denard. Denard s’en est allé, avec lui toute une époque.

Peut-être qu’un jour existera un autre Denard, mais ce ne sera pas dans le même contexte. Les derniers des Mohicans se sont battus au siècle dernier, le 21 ème siècle voit d’une autre manière l’engagement des nouveaux . Ils rentrent dans des sociétés très élaborées qui les emploient surtout pour de la défense.

Beaucoup dans les années soixante s’étaient engagés parce qu’il y avait Denard qui commandait son bataillon en Afrique. Tous ceux qui ont essayé de commander dans cette Afrique survoltée , explosive n’ont pas tenu longtemps. Des exemples, vous en avez dans les livres de cette époque retraçant les guerres successives dans une bonne douzaine de pays. Vous en avez aussi dans des Historia et d’autres magasines. Beaucoup de chefs glorieux ont tenté le coup en Afrique mais dans un temps très court.

Denard lui a réussi. Pourtant au début ce ne fut pas facile de devenir simplement un chef !

Parti de rien, il a su se faire remarquer au Katanga. La suite, on la connaît, Commandant, puis Major , et pour finir Colonel. Tout cela au combat, avec des hommes venus de tous les horizons de la planète.

Le colonel Denard a eu beaucoup d’hommes sous ses ordres, certains prestigieux en Indochine et en Algérie , d’autres plus discrets , plus simples mais voulant prouver au Colonel le mérite d’être sous ses ordres.

Le colonel Denard a eu beaucoup d’hommes tombés au combat sur les pistes Africaines et ailleurs, tombés aussi dans des pièges politiques et stratégiques. Ils sont maintenant tous réunis avec lui .

Les derniers hommes de Denard, ceux qui restent encore en vie, se retrouvent maintenant une fois l’an, devant la tombe du Colonel, du « Vieux » comme on aime se le dire entre nous, pour honorer sa mémoire. Ces retrouvailles font ressurgir le passé et en même temps nos morts, en les évoquant à travers d’innombrables souvenirs. Elles permettent aussi de retrouver tous les âges de ces hommes qui ont maintenant les cheveux blancs pour certains et poivre et sel pour d’autres , oui ! les années sont passées par là.

Les derniers Condottières de Denard ont encore la force de rétablir les vérités ainsi que d’écrire les devoirs de mémoires nécessaires à l’histoire.

En mémoire de tous nos Camarades et à notre Chef , nous les derniers hommes tacherons de maintenir le plus longtemps possible cette flamme qui nous permet de nous réunir, encore longtemps.

J-C L


Mektoub, c’était écrit…


 

Comme quelques camarades de ma génération, encore très jeune, (trop jeune ?), j’ai rejoint le Groupe des Experts Volontaires en passant par la Garde Présidentielle des Comores… la GP ! En quelques lignes, voila comment cela s’est passé, et comme je veux le croire, quelque part, c’était écrit !

Un membre du GEV.

Janvier 1977, je suis en terminale. Dans mon lycée de la région parisienne 4 élèves africains, 4 béninois, je suis bien copain avec l’un d’entres eux. Un matin de janvier il m’explique qu’une tentative de coup d’état a eu lieu dans son pays. A la tête d’un commando aérotransporté, Bob Denard, commandité par les présidents de France, du Maroc, du Gabon, de la Cote d’Ivoire a débarqué au Bénin.

J’ai croisé la route de Bob Denard pour la première fois.

Plus tard dans l’année scolaire à l’heure ou en terminale on ne sait pas toujours ce que l’on fera « après le BAC », je me souviens très bien répondre « mercenaire » à un copain qui me posait la question. Une boutade a ce moment la… A peine le BAC passé je « pars » sous les drapeaux, dans un régiment parachutiste, puisque j’ai fait une préparation militaire parachutiste quelques mois plus tôt. En janvier 78, je pars « en tournante » a l’ile de la Réunion. Vu d’Europe, la Réunion c’est proche des Comores. Le 13 mai 78, nous apprenons qu’un coup d état y a eu lieu. Nous sommes en  »alerte » car c’est la zone d’influence française. Bob Denard a donc débarqué aux Comores avec une cinquantaine d’hommes, et pour des militaires, l’opération qui vient d’être réalisée a quelque chose d’assez mythique. Avec des camarades nous devisons autour du sujet, nous sommes jeunes, inexpérimentés, mais nous fantasmons sur ce genre d’opération.

J’ai croisé la route de Bob Denard pour la 2 eme fois.

Retour de la Réunion. Nous sommes en juin 78, ma compagnie monte à Paris faire un show pour la télévision, à l’époque, une soirée consacrée a l’armée. Nous ferons des démonstrations de close-combat. Nous prenons nos repas au mess du centre de recrutement de Vincennes, qui abrite aussi la PM para, ou André C., un des cadres de l’équipe du Vieux, est très connu. Un de mes proches camarades à lui aussi pas mal écumé la PM para et connait bien Hiro Ito, enfin André C. Un jour, au bar du mess, à l’heure du café, Dédé C. est là, il prend mon camarade a part pour discuter. Leur aparté terminé, celui revient vers nous et nous apprend que la personne avec qui il parlait est un des hommes de Bob Denard. Apres l’opération du 13 mai 78, les gens qui ont participé à cette aventure n’ont pas tous envie, pas tous les moyens de passer à la phase suivante. La GP des Comores se monte, non sans difficultés, mais elle se monte… Le Vieux recrute.

J’ai croisé la route de Bob Denard pour la 3 éme fois.

Plus d’un an s’est passé. Juin 79. J’ai un peu plus de 21 ans. Me voila sur le trottoir, à l’angle de l’avenue de Suffren et de l’hôtel Hilton, le Figaro sous le bras. Après un séjour de 6 mois au Liban, j’ai quitté l’armée le 31 mai 79, il y a quelques jours. J’ai demandé a cet ami qui connaissait Hiro Hito , si il avait toujours son contact et s’il pensait possible de m’obtenir un rendez-vous. J’y suis allé au culot. Mon maigre parcours militaire ne me semblait pas m’autoriser prétendre frapper à cette porte !

Je regarde ma montre, j’ai rendez vous a midi … midi est déjà passé, personne au rendez-vous. Je fais les cent pas, mon journal sous le bras, en regardant machinalement vers la rue… Suis-je au bon endroit ? Ne m’a-t-on pas vu ? Mon figaro est-il assez visible ? Soudain, une main sur mon épaule… Et sur un ton amical ; « Viens par ici »… Un petit groupe, 3 ou 4 personnes, qui sont sorties d’un immeuble dans mon dos. A cette époque, le Colonel avait un bureau dans ce quartier. On va au bar du Hilton. Je suis en face de Bob Denard lui-même ! On parle un peu… Je raconte mon maigre parcours, mon « fait d’armes » , au Liban, notre position a été attaquée… Après coup, je me dis heureusement que le ridicule ne tue pas, j’avais en face de moi des hommes avec chacun plus d’années de baroud que j’avais d’âge…

Quelques jours plus tard, je reçois un coup de téléphone. Je reconnais la voix rocailleuse qui me dit exactement ces mots gravés dans ma mémoire ;  » tu vas partir… »

Le Colonel n’avait pas oublié cet épisode, qu’il lui arrivait de me rappeler quand par exemple, avec quelques camarades, il nous trouvait trop exigeants quand au recrutement, l’air de dire, si je m’en étais tenu qu’aux apparences, tu ne serais certainement pas la aujourd’hui… Il avait raison…

Le 6 juillet 1979, jour de la fête nationale, j’arrivais donc à Moroni. Au pied de la passerelle le lieutenant Jo, celui-là même qui avait accueilli le Colonel a son arrivée au Katanga ! Ah, et puis, la main sur l’épaule au coin de l’avenue de Suffren et de l’hôtel Hilton, c’était Roger Bruni !