Jean-Pierre BAT

Agrégé et docteur en histoire, Jean-Pierre Bat est archiviste paléographe et chercheur associé à l’École des chartes-Université PSL. Il a été responsable du fonds Jacques Foccart aux Archives nationales. Ses travaux portent sur l’histoire contemporaine de l’Afrique centrale et du golfe de Guinée ainsi que sur la Françafrique.
École des chartes, 75005, Paris, France.
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La GP de Bob Denard, un mercenariat à la française ?


Le nom de Bob Denard est bien connu. C’est généralement moins le cas de la liste de ses activités comme du contexte géopolitique dans lequel elles se sont déroulées. Déplaçant la focale habituelle, cet article nourri d’archives remarquables revient sur ces combattants français irréguliers de la guerre froide qui ont œuvré, avec le soutien tacite de l’État français, pour les pays africains « amis de la France ». Du Katanga congolais aux Comores en passant par le Gabon, il montre en particulier comment prend forme un mercenariat particulier, « à la française », qui a pleinement pris part aux processus de violences postcoloniales du continent africain.

15 octobre 2017, au cimetière de Grayan-et-l’Hôpital (Gironde) : les anciens de la Garde Présidentielle des Comores (GP) sont venus rendre leur hommage annuel à Bob Denard. Sur sa pierre tombale est dressée une plaque en forme d’écusson de la GP et portant l’inscription : « Au Colonel Robert Denard. Vous nous avez fait vivre nos rêves. Nous vous avons fait réaliser les vôtres. Vos Hommes. » Trois symboles ornent la plaque : le portrait de Bob Denard, coiffé de son béret rouge du temps du Congo ; l’insigne composé d’un faisceau des licteurs sur un globe terrestre de l’association des anciens baptisée Orbs Patria Nostra, en écho à la Legio Patria Nostra des légionnaires ; et trois oies sauvages qui s’envolent, en référence au chant d’hommage rendu aux parachutistes morts.

L’histoire des mercenaires français a longtemps été vue à l’ombre de Bob Denard. Pourtant, ce « corsaire de la République », comme il a aimé à se présenter, n’incarne qu’une seule des voies tracées par les combattants postcoloniaux français. La première génération de mercenaires est en effet celle des « soldats perdus » des guerres coloniales (années 1950-1960) qui en constitueraient en quelque sorte la matrice, ce qui permettrait d’expliquer des violences commises dans la lignée des violences coloniales.

Cette lecture ne rend toutefois pas compte de la diversité des combattants irréguliers français de la guerre froide en Afrique. À cette génération succède celle des années 1960-1980 qui s’identifie, au fil de trois décennies, à Bob Denard. L’activité de ce dernier se décline en trois temps : les années 1960 où il est l’« affreux » (surnom donné aux mercenaires du Katanga), le chien de guerre, de la République démocratique du Congo à l’État du Katanga en passant par le Yémen ; les années 1970, où il est l’expert, le consultant de la Françafrique et de ses chefs d’États qui lui commandent des opérations coups de poing chez des voisins jugés subversifs (les Comores en 1975 et 1978, et le Bénin en 1977 sont les exemples les plus célèbres) ; les années 1980 où il stabilise géographiquement et économiquement son modèle mercenarial avec la GP, qui contrôle intégralement l’archipel des Comores.

Sur fond de guerre froide, qui sert autant d’argument que de prétexte à ces combattants irréguliers, la recomposition de cette culture de guerre s’effectue à travers deux facteurs géopolitiques : la Françafrique et l’Afrique du Sud de l’apartheid, véritable patrie des mercenaires. Tout le travail identitaire des mercenaires du groupe de Bob Denard a consisté à réduire l’ethos du guerrier irrégulier pour mettre en avant l’ethos du militaire français. Il s’agit pour eux de bâtir une compagnie militaire africaine, encadrée par un savoir-faire inspiré de la culture parachutiste française. Si celle-ci s’inscrit dans la droite ligne des guerres coloniales, les membres de la GP de Bob Denard ne sont cependant pas des vétérans de ces guerres. À leurs yeux, ce n’est pas le combattant qui est irrégulier, mais la nature de la guerre [1]. C’est la raison pour laquelle ils placent comme figure tutélaire de « Grand Ancien » de leur Panthéon militaire, le commandant Roger Faulques. Officier légionnaire sorti du rang, pionnier du bataillon étranger parachutiste en Indochine, il est célèbre pour son ardeur au combat, saluée jusque par le Viêt-Minh. Figure du 1er régiment étranger parachutiste (dissout après le putsch des généraux d’avril 1961) et acteur clé de la bataille d’Alger, il y assume le recours à la torture au nom de l’efficacité dans la lutte contre le Front de libération nationale (FLN). Ces mercenaires entendent mettre en œuvre la guerre non conventionnelle que ne peuvent ou ne veulent plus assumer les États postcoloniaux, mais qui reste selon eux le seul rempart contre l’ennemi : la « subversion communiste ». Tandis que l’Afrique du Sud de l’apartheid crée le modèle des grandes compagnies de mercenaires, les combattants français, à défaut de pouvoir les concurrencer, développent à la suite de l’expérience gabonaise une école qui leur est propre, à l’ombre de chefs d’État « amis de la France » : les gardes présidentielles (GP).

Faute de sources accessibles, l’histoire des combattants irréguliers après 1962 reste encore largement à écrire. Si l’essentiel des connaissances provient des mémoires ou des témoignages d’anciens mercenaires [2] les travaux de l’historien Walter Bruyère-Ostells, fondés sur des sources inédites, ont apporté des perspectives nouvelles. Le fonds d’archives de Bob Denard et sa GP comorienne [3] actuellement en cours de classement aux Archives nationales (fonds 770 AP), ouvre une nouvelle voie. Cet article s’appuie quant à lui sur les fonds Bob Denard, Jacques Foccart (AG/5/F) et Philippe Lettéron (90 AJ) conservés aux Archives nationales, sur des enquêtes de terrain au Gabon et sur des entretiens avec d’anciens mercenaires.

De Trinquier à Denard : la jungle congolaise des mercenaires français (1961-1967)

La première expérience mercenariale en Afrique, au Katanga, province congolaise, entre 1961 et 1963, se solde par un échec. Alors que s’achève la guerre d’Algérie, les officiers français envoyés officieusement par le gouvernement français au secours de Moïse Tshombé (à la tête de la révolte sécessionniste katangaise) se heurtent à l’inefficacité de la tactique contre-subversive pour préserver l’indépendance du Katanga. La guerre contre-révolutionnaire demeure cependant le credo militaire de la guerre froide en Afrique. À défaut d’engagement des politiques français, les militaires s’affilient à un chef d’État africain « ami de la France ». Leur stratégie consiste à se tourner vers les compagnies de mercenaires sud-africains, qui, au nom de l’apartheid, mènent la lutte anticommuniste en Afrique. La multiplication des violences postcoloniales constitue une tactique destinée à semer la confusion quant à la recherche des responsabilités (comme dans le cas de la guerre menée par les mercenaires contre l’Organisation des nations unies) et à faire basculer l’opinion publique internationale.

Peu après la sécession du Katanga, le 11 juillet 1960, moins de deux semaines après la proclamation d’indépendance du Congo-Kinshasa, certains milieux français [4] suggèrent d’offrir au Katanga de Moïse Tshombé une assistance officieuse dans le cadre du nouveau Grand Jeu anticommuniste qui se développe au cœur de l’Afrique, dans lequel la menace révolutionnaire est incarnée selon les Occidentaux par Patrice Lumumba. Si l’initiative est belge durant les six premiers mois, à partir de 1961, en pleine guerre d’Algérie, des combattants aguerris de la lutte contre-révolutionnaire, vétérans d’Indochine et d’Algérie, sont officieusement débauchés. En janvier 1961, le cabinet du ministre des Armées convoque en effet le colonel Roger Trinquier, ancien chef du groupement du commando mixte aéroporté en Indochine (le bras armé du service Action en Asie) et un des officiers clés de la bataille d’Alger puis du Comité de salut public fondé le 13 mai 1958. Son ouvrage célèbre La Guerre moderne, paru en 1961, théorise la guerre contre-révolutionnaire ou guerre contre-insurrectionnelle qu’il a pratiquée en Indochine contre le Viêt-Minh, puis théorisée en Algérie [5] Mêlant considérations tactiques non conventionnelles et réflexions politiques prétendant décrire les thèses marxistes révolutionnaires, il devient le bréviaire des partisans d’un nationalisme colonial anticommuniste, les rouges-bruns. Son implication dans l’instigation du coup d’État du 13 mai 1958 motive néanmoins son éloignement d’Alger et son affectation dans le Sud-Est de la France. En janvier 1961, il rend compte au ministre des Armées Pierre Messmer de la visite reçue, à son domicile de Nice, d’émissaires de Moïse Tshombé [6] venus lui proposer de devenir le chef d’état-major de la gendarmerie katangaise. Celle-ci lutte alors contre les rebelles Baluba, l’armée du gouvernement central congolais, et les Casques bleus de l’Organisation des nations unies (ONU). Face à tant d’adversaires, seule la « guerre moderne » pourrait selon lui permettre de vaincre politiquement. Le cabinet du ministre des Armées l’enjoint à accepter cette proposition – autant pour l’éloigner jusqu’au cœur de l’Afrique que pour poursuivre officieusement une forme de Realpolitik dans la continuité de la décolonisation de l’Afrique centrale. Roger Trinquier et les officiers qu’il a choisis pour l’accompagner dans ce saut sans parachute au Katanga sont invités à se mettre en disponibilité de l’armée, mais ils obtiennent des garanties pour leur retour et des soutiens sur place. Pour ces officiers, qualifiés par le général de Gaulle dans son discours du 23 avril 1961 d’« officiers partisans, ambitieux et fanatiques[7] la guerre contre la « subversion communiste » ou le « communisme international », commencée en Asie et poursuivie dans le monde arabe, doit désormais être conduite en Afrique, dans la lignée de la décolonisation. L’influence des combats menés lors de la guerre du Cameroun est également sensible, qu’il s’agisse de la guerilla, de la guerre de la jungle devenue guerre de la brousse, des politiques de regroupement et d’intimidation collective, des pratiques de responsabilité collective des populations civiles, de l’action dite psychologique ou encore des interrogatoires violents. Si la venue de Roger Trinquier au Katanga fait long feu face à la résistance des officiers coloniaux belges reconvertis auprès de Moïse Tshombé [8] , Une ténébreuse affaire ou Roger…, ses lieutenants parviennent à prendre pied sur le terrain et à poser les jalons de la « guerre moderne » en Afrique : le commandant Roger Faulques, épaulé par les capitaines La Bourdonnaye et Égé, prend la tête du petit contingent d’officiers français [9] bientôt rejoint par le capitaine Ropagnol et le lieutenant Badaire. Les mercenaires français obtiennent le soutien de l’équipe de l’Union aéromaritime des transports (UAT), compagnie aérienne privée mise au service du renseignement français par son directeur des relations extérieures, Daniel Richon. Ce dernier est un proche du secrétaire général des Affaires africaines et malgaches de l’Élysée, Jacques Foccart, et honorable correspondant du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE). Surtout, au consulat de France à Élisabethville (capitale du Katanga), surnommé le « consulat corse », le consul Joseph Lambroschini, honorable correspondant du SDECE [10] devient selon Conor O’Brien, chef de la mission de l’ONU à Élisabethville, le chef des mercenaires [11] . De Brazzaville, c’est en fait Jean Mauricheau-Beaupré, envoyé de Jacques Foccart auprès des chefs d’États du « pré carré » et conseiller officiel de l’abbé Fulbert Youlou, président du Congo-Brazzaville, qui organise et coordonne l’action des mercenaires pour Moïse Tshombé. Jean Mauricheau-Beaupré incarne le « circuit-court » entre Paris et les chefs d’État « amis de la France », c’est-à-dire la liaison politique directe entre Jacques Foccart et les présidents africains, en marge des arcanes classiques de la diplomatie. En contact étroit avec Jean Mauricheau-Beaupré et Joseph Lambroschini, Roger Faulques, nouvelle icône, et son groupe de mercenaires mènent leur guerre contre l’ONU, le « machin » selon la terminologie gaulliste [12] . Le Katanga sert ainsi de répétition générale d’une formule appelée à un certain avenir en Françafrique : l’illégalisme d’État, c’est-à-dire le recours à des troupes irrégulières, dont Jean Mauricheau-Beaupré se veut un des grands maîtres d’œuvre. Mais les officiers spécialistes de la contre-insurrection rompus aux guerres coloniales ne s’avèrent finalement pas les meilleurs atouts politiques et tactiques.

En 1961, Jean Mauricheau-Beaupré découvre un « nouveau talent » : un certain Bob Denard, débarqué au Katanga avec le concours de milieux activistes anticommunistes liés officieusement à l’armée française. Il deviendra le mercenaire par excellence de la Françafrique, à tel point que son ombre occulte toute l’histoire des soldats irréguliers et mercenaires français en Afrique durant la guerre froide [13] . Indépendant par rapport à l’armée française malgré un bref passage dans la Marine en Indochine, inconnu du grand public à la différence des officiers d’Algérie malgré une condamnation au Maroc en raison de son implication dans un attentat contre Pierre Mendès France, en rupture de ban avec la société des Trente Glorieuses, il tente sa chance dans le mercenariat en Afrique. Après avoir été fait officier de la gendarmerie katangaise où il est distingué pour son usage tactique des mortiers, il est rappelé par Jean Mauricheau-Beaupré pour épauler le retour au pouvoir de Moïse Tshombé en 1964. Entre-temps, Bob Denard a tracé sa route de mercenaire du Congo au Yémen, dans un mélange de fuite en avant et d’opportunisme aventurier [14]

Au Congo en 1965, Bob Denard a pour mission de créer une unité spéciale, inspirée du modèle des compagnies sud-africaines mais émancipée de celles-ci : le 1er Choc [15] En lien avec Jean Mauricheau-Beaupré et son fondé de pouvoir à Léopoldville, Philippe Lettéron, Bob Denard se rapproche de Maurice Robert, le chef du secteur N (Afrique) du SDECE. Officiellement intégré à l’Armée nationale congolaise (ANC) du général Mobutu, le 1er Choc s’avère en fait un outil indépendant qui mène une guerre non conventionnelle de brousse et de jungle [16]  L’efficacité de cette unité mérite d’être interrogée : légère et rapide, elle essuie plus d’accrochages, certes violents, qu’elle ne mène de véritable bataille. Face aux milices rebelles Simba issues du Kivu et de la Province orientale, les mercenaires redoublent de violence.

Après la chute de Moïse Tshombé en octobre 1965, les mercenaires restent au service du général Mobutu qui les emploie pour liquider les restes de la rébellion lumumbiste. Mais rapidement, ces mercenaires, perçus comme l’héritage de Moïse Tshombé, deviennent encombrants. Sous la conduite de Bob Denard et de Jean Schramme, avec l’aval officieux du SDECE et de Jean Mauricheau-Beaupré, les mercenaires fomentent en 1967 une insurrection générale pour le compte de Moïse Tshombé contre le général Mobutu. L’échec leur impose de quitter le Congo [17] Blessé à la tête, Bob Denard lui-même est contraint à une convalescence forcée qui lui offre l’occasion de réfléchir aux formes de son engagement militaire non conventionnel.

La garde présidentielle gabonaise : au service de la Françafrique (1964-1981)

C’est au Gabon que se redessine l’engagement irrégulier d’anciens militaires français. Au lendemain du putsch raté de février 1964 au cours duquel le président Léon M’Ba est enlevé, Jacques Foccart, Guy Ponsaillé, ancien administrateur colonial devenu le bras droit de Pierre Guillaumat à l’Union générale des pétroles (UGP devenue Elf en 1967) et conseiller politique de Léon M’Ba, ainsi que Maurice Robert, chef du secteur N au SDECE [18] , sollicitent l’aide de Bob Maloubier. Celui-ci est un ami de Jacques Foccart, ancien capitaine du service Action du SDECE, reconverti en forestier puis en pétrolier au Gabon après avoir quitté l’armée française en 1956. Il est alors engagé sous contrat de la Coopération pour créer la GP afin d’assurer la protection physique du président gabonais. Le premier cercle des cadres français de la GP est formé par les anciens élèves de Bob Maloubier, réservistes du 11e Choc qui reconnaissent s’ennuyer dans la France des Trente Glorieuses. À son départ en 1966, il désigne pour le remplacer Yves Le Braz, ancien officier colonial, à qui succède Louis-Pierre Martin dit « Loulou » Martin, vétéran du 1er régiment étranger parachutiste (1er REP). Tous deux sont des officiers issus des guerres d’Indochine et d’Algérie, nationalistes, anticommunistes et rompus à la doctrine de la guerre révolutionnaire (DGR). Dès 1966, Omar Bongo, vice-président de la République gabonaise, résilie le statut de coopérant du chef de la GP pour le passer sous contrat gabonais et conserve ainsi un contrôle intégral sur « sa » garde prétorienne.

L’action de la GP souligne le flou de la frontière entre coopération et mercenariat. Celui-ci l’est d’autant plus que le SDECE ou des personnalités à la croisée de milieux interlopes, ni vraiment officiels ni tout à fait officieux, servent d’intermédiaires entre la République et les mercenaires (Jean Mauricheau-Beaupré). Un sentiment d’impunité contribue à la multiplication de violences extra-légales. Servant Omar Bongo, ces soldats pensent servir la France et sa politique en Afrique ; c’est du moins le récit auquel ils adhèrent et dont ils entendent tracer les contours, affranchis de toute argutie diplomatique. En conséquence, au cours de la décennie 1970, Libreville devient un laboratoire de la Françafrique, et la GP gabonaise le support de cette expérience sécuritaire [19] C’est ainsi que de nombreux vétérans des guerres coloniales, parfaitement connus de l’armée ou des services spéciaux, se recyclent à Libreville et contribuent à asseoir le pouvoir d’Omar Bongo au fil de la décennie. La main de certains d’entre eux a été soupçonnée dans l’assassinat de Germain M’Ba, l’historique opposant à Omar Bongo, survenu le 17 septembre 1971, sans toutefois qu’aucune preuve n’ait pu être apportée. La kongossa, la rumeur gabonaise bien informée, en garde le souvenir [20]

La kongossa associe d’autant plus la GP à la France et à son système mercenarial que la sociologie de cette unité plaide en ce sens, après les purges de la guerre d’Algérie. Nombre d’officiers ou de sous-officiers de la GP gabonaise sont connus pour leur engagement en faveur de l’Algérie française. Façonnés par les guerres coloniales, ils ont le sentiment de poursuivre à Libreville le combat mené dans les rizières d’Indochine puis le djebel algérien. Travailler pour l’État gabonais présente un double avantage : ils ne servent pas le régime gaulliste avec lequel ils entretiennent un rapport complexe à la suite du processus politique qui a conduit à l’indépendance de l’Algérie, mais continuent à défendre ce qu’ils estiment être le grand dessein français et la lutte dite antisubversive et anticommuniste. Ils peuvent ainsi continuer à « servir », sans contradiction politique. Une carrière, au sens propre du terme s’offre de plus à eux : ils accèdent avec la GP à des grades d’officiers supérieurs et généraux dans l’armée gabonaise, des grades auxquels ils n’auraient jamais pu prétendre dans les rangs de l’armée française. Ce contrat militaire africain hérité de l’armée coloniale permet aussi aux hommes du rang de « faire carrière ». Cette dimension joue aussi bien dans un répertoire social (ils acquièrent une authentique autorité dans la société gabonaise qu’ils ont perdue dans la société française, surtout après Mai 68), que symbolique (en termes d’estime professionnelle et personnelle de soi) ou financier (pour ceux qui atteignent les grades supérieurs, les salaires garantissent un train de vie plus que confortable). Bob Denard lui-même, simple sous-officier de la Marine nationale, gagne des galons d’officier subalterne au Katanga, puis un brevet de colonel dans l’armée nationale congolaise du général Mobutu entre 1961 et 1967. Il devient alors pour ses hommes « le colonel » du Congo et le reste jusqu’à sa mort. Alors qu’il n’aurait jamais pu prétendre à un grade d’officier dans l’armée française, il réalise en six ans de mercenariat un cursus honorum inespéré quand, en 1959-1960, il est en quête d’un travail. Pendant les années 1970, au lendemain du bouleversement provoqué par Mai 68, la fraternité d’armes, le sentiment d’« entre soi », le désir d’aventure face à une France qu’ils jugent endormie dans le confort matériel des Trente Glorieuses, mais aussi la conviction de poursuivre un combat qu’ils considèrent juste mais incompris par l’opinion publique française (et inavouable pour l’État français), constituent autant de facteurs de cohésion et un imaginaire commun pour l’aventure de ces hommes en Afrique [21]

La GP gabonaise, avec la nébuleuse de contractuels français employés par la présidence gabonaise de manière temporaire ou à travers d’autres structures [22]   constitue donc le creuset d’un certain modèle sécuritaire et un outil de transition générationnelle après les guerres coloniales. Les « mercenaires » ne sont plus des chiens de guerre ou des « soldats perdus ». Ils recomposent (régénèrent selon eux) une nouvelle culture de terrain, dans la droite ligne de la guerre contre-subversive appliquée au quotidien, auprès d’un régime issu de la Françafrique qu’il faut « défendre » contre la menace intérieure et extérieure.

La victoire des socialistes en 1981 constitue en ce domaine une rupture avec la promesse, non tenue, d’un aggiornamento de la politique africaine de la France. À la suite d’une intoxication et d’une provocation parties de Libreville et dont le gouvernement socialiste a évité de peu de faire les frais en octobre 1981, Pierre Marion, directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), rédige le 17 novembre 1981 à la demande de l’Élysée un rapport. Plus ou moins juste dans ses détails, il retrace les « réseaux africains », leur histoire depuis les années 1960 et les perspectives nouvelles à l’aube des années 1980. On peut y lire :

Mais la politique africaine est dirigée très officiellement depuis l’Élysée par Jacques FOCCART. Tout à fait logiquement se crée donc un lien d’allégeance entre le Secteur Afrique [du SDECE] et M. FOCCART. […] Il arrive vers la fin des années 60 que des missions confiées au SDECE par le Gouvernement se trouvent doublées, de façon plus concurrentielle que complémentaire, par des missions dirigées par le Secrétariat Général aux Affaires africaines et confiées à ce qu’il faut bien appeler des « mercenaires ». […]
Vers les années 70, la Société ELF-ERAP qui s’intéresse de son côté à l’Afrique, se dote d’un véritable petit service de renseignement animé par quelques anciens du SDECE, dont M. TROPEL et le Colonel ROBERT, ancien Chef du Secteur Afrique et très lié à M. FOCCART. […] 1974 voit le départ de M. Jacques FOCCART. L’accession de son ancien adjoint, M. René JOURNIAC, au poste de Conseiller pour les Affaires africaines ne modifie pas fondamentalement les données […]. L’élément perturbateur va être le changement politique survenu en mai dernier. Des responsables nouveaux apparaissent avec lesquels les Chefs d’État africains traditionnellement liés à la France vont devoir composer sur des bases nouvelles [23]

Ce même rapport établit un profil sociologique de ces hommes des « réseaux africains » parmi lesquels les mercenaires trouvent une place de choix :

  • Fonctionnaires français ayant su se rendre indispensables dans leur pays de séjour ;
  • des chefs d’entreprises, chefs d’agence ou affairistes ayant besoin de la complaisance des pouvoirs locaux ;
  • journalistes spécialisés à la recherche d’information (et souvent de subsides) et payant de retour sous forme d’influence et d’articles bien orientés ;
  • enfin et surtout tous les « mercenaires » mis en place au fil des ans auprès des différents Chefs d’État avec un contrat local.
    Certains sont nantis d’un emploi de Conseiller, d’autres occupent un poste technique à la Présidence ou dans un Ministère, beaucoup sont employés dans les Services de Sécurité locaux (d’où l’appel fréquent à d’anciens membres du SDECE) ou les Gardes présidentielles.
    Initialement, ces emplois étaient pour la plupart tenus par des créatures de Jacques FOCCART. Le champ des recrutements s’est ensuite ouvert par cooptation, mais le système a gardé de façon globale son allégeance initiale.

Le tableau ainsi dressé est le fruit d’un raccourci, mais il devient un imaginaire partagé, avec des valeurs ressenties et revendiquées différemment par chaque camp. Pour les socialistes, il s’agit de balayer les avatars « barbouzards » des réseaux Foccart passés, au Gabon, au service d’Omar Bongo ; pour cette nébuleuse, au contraire, il importe d’assumer sur le terrain la politique africaine et antisubversive de la France sur le continent, politique que le gouvernement socialiste ne peut à leurs yeux que trahir. La définition du mercenaire s’en trouve lentement mais sûrement altérée par rapport aux « affreux » du temps du Katanga et du Congo. Le modèle de la GP devient leur nouvel ethos à partir des années 1970 et de l’expérience gabonaise.

Bob Denard en quête d’un modèle mercenarial (1968-1978)

À la fin des années 1960, alors qu’il a perdu son brevet d’officier congolais avec l’insurrection manquée de 1967, Bob Denard est en proie à des difficultés financières après l’acquisition de son bateau, le Mi Cabo verde, pour assurer le transport d’armes et de matériel de secours à la sécession biafraise (1967-1970). Il cherche à rebondir. Côté français, s’il a perçu les limites de l’emploi de mercenaires au service de Jean Mauricheau-Beaupré, il a pu mesurer l’ampleur du soutien de Maurice Robert, créateur du secteur Afrique au SDECE : en 1967, le SDECE lui fournit un vrai-faux passeport au nom de Gilbert Bourgeaud et en 1968 Robert lui rédige une véritable lettre de marque pour se présenter à Maurice Delauney à l’ambassade de France à Libreville [24]   Bob Denard est en outre allé au bout de son engagement politique en mobilisant ses troupes rhabillées pour la cause en appariteurs musclés puis en colleurs d’affiches afin d’affronter les événements de Mai 68. Du côté africain, Félix Houphouët Boigny, président de la Côte d’Ivoire, tâche de le dédommager à travers le rachat de Mi Cabo verde à l’issue de la guerre du Biafra, tandis qu’Omar Bongo l’installe au Gabon, où il crée la société gabonaise de sécurité (SGS) en 1976. Cette expérience marque un tournant et préfigure son action aux Comores. Sur le modèle des doctrines de la guerre contre-révolutionnaire, il prône une lutte sur tous les fronts (militaires, politiques, économiques et sociaux), alliant recours à la force armée, devenue dans les années 1970 la GP, et mise en œuvre d’ambitieux programmes de développement économique planifiés sur le modèle de l’assistance indigène. La ferme kibboutz de Bob Denard au Gabon préfigure ainsi la ferme modèle de Sangani aux Comores une décennie plus tard. Mais pour l’heure, Bob Denard peine encore à trouver son modèle économique. La société gabonaise de services (SGS) demeure relativement modeste, faute de pouvoir assumer financièrement la création d’une « grande compagnie », véritable régiment permanent privé, à l’image des mercenaires sud-africains. Elle offre néanmoins une base-arrière aux soldats perdus des guerres coloniales. Une culture fondée sur les traditions militaires françaises s’y recompose, et constitue un gage identitaire et corporatiste solide, surtout pour ceux qui ont quitté, par la force des événements, le service régulier de l’armée française.

Passé du « chien de guerre » de la jungle congolaise à « l’expert » des coups d’État en Françafrique dans la décennie 1970 depuis sa base gabonaise, le statut de Bob Denard s’améliore. Par l’entremise de chefs d’État « amis de la France » (tel que Omar Bongo, le roi du Maroc Hassan II ou le président de la République du Togo Éyadéma), il est employé par la France (principalement le SDECE et René Journiac à la cellule de l’Élysée) dans les coups des Comores (1975 et 1978) et du Bénin (1977), mais aussi pour la formation des commandos du Rassemblement des Guinéens de l’extérieur hostiles à Sékou Touré, et pour le soutien clandestin, aux Comores, à Savimbi (1976).

Ces diverses expériences lui permettent de mûrir son projet de garde présidentielle. En 1971, sur recommandation du roi du Maroc Hassan II et du président gabonais Omar Bongo, le président mauritanien Moktar Ould Daddah, en butte à la menace du front Polisario soutenu par l’Algérie, confie à Bob Denard la mission d’étudier un plan d’organisation d’une GP. Il lui est ensuite demandé de constituer un service de sécurité pour la présidence de la Haute-Volta. S’il ne voit pas le jour, ce projet atteste de l’évolution des conceptions de Bob Denard. Ce dernier propose la création d’un BLDS : un bureau de liaison, documentation et de sécurité qui, comme le nom l’indique, mêle renseignement, contre-ingérence et sécurité présidentielle, dans un dispositif sécuritaire africain dont le Maroc et le Gabon s’imposent comme les deux piliers de la sous-traitance en Françafrique dans la décennie 1970 [25] . Ces deux projets témoignent de l’importance pour les Français de deux pôles d’activité des services africains : le volet « renseignement, documentation et sécurité » et celui de la protection présidentielle, les deux dimensions étant considérées indissociables pour garantir la sécurité des « amis de la France ». La GP constitue alors la clé de voûte technique de ce système politique de Françafrique. Dans ces conditions, la France peut détacher un officier du service Action du SDECE en qualité de « conseiller technique » de chaque GP (comme elle le fait traditionnellement dans de nombreux pays du continent) ; mais elle ne peut pas prendre en charge intégralement une GP. C’est dans cet espace essentiel, mais aux frontières floues, que Bob Denard trouve finalement sa niche, et l’originalité du modèle économique du « mercenariat français ».

L’échec de l’opération Crevette (ou Oméga selon l’équipe Denard) au Bénin en 1977 est toutefois lourde de conséquences pour Bob Denard : la cantine de documents qu’il a oubliée sur le tarmac dans la précipitation du repli fournit tous les détails du complot, de la compromission d’Hassan II, du général Gnassingbé Éyadéma, d’Omar Bongo et de René Journiac, et même son vrai-faux passeport au nom de Gilbert Bourgeaud. Désormais compromis, la quête d’une base-arrière s’acccélère. Le second coup d’État de 1978 aux Comores lui en offre l’occasion[26]

La GP comorienne : le paradis des mercenaires français (1978-1989) ?

Autant pour des raisons économiques (auto-financement du groupe Denard), géopolitiques (liés à la Françafrique et aux « sous-traitances » de certains chefs d’État comme Omar Bongo ou Gnassingbé Éyadéma) que sociologiques (la recherche d’une certaine fraternité d’armes), Bob Denard construit pas à pas son groupe sur un modèle empirique mais distinct des grandes compagnies sud-africaines. La GP comorienne de Bob Denard constitue un modèle hybride, inspiré de l’expérience françafricaine et soutenu financièrement par le régime de l’apartheid au nom de sa géopolitique anticommuniste en Afrique australe face aux États de la « ligne de front » (Frontline States).

En 1975, au lendemain de la proclamation de l’indépendance de la république des Comores, Bob Denard abat le régime d’Ahmed Abdallah au profit d’Ali Soilih avec l’aval de Paris ; avant de renverser, en 1978, ce dernier dont la politique est jugée trop révolutionnaire par Paris (opération Atlantide) et de restaurer Ahmed Abdallah. Paris et ses alliés africains soutiennent ces deux coups d’États. Cependant, en 1978, après deux décennies de service en coulisse de la Françafrique, les mercenaires de Bob Denard, en quête d’une base-arrière, installent définitivement leur compagnie et fondent leur service de sécurité présidentielle qui prend le nom de GP. Si René Journiac, « Monsieur Afrique » de Valéry Giscard d’Estaing, n’avait pas imaginé une telle issue lorsqu’il a validé l’opération de 1978, Paris accepte finalement sans trop de difficultés de composer avec cette nouvelle donne. Selon le projet de Bob Denard, la GP devient le noyau dur de l’État comorien. Elle contrôle aussi bien la vie politique (surveillance de l’opposition) qu’elle commande au développement économique (ferme de Sangani, hôtel Galawa pour le tourisme sud-africain, etc.). Rien n’échappe à l’œil et aux ordres de la GP.

Créée par décret, la Garde présidentielle a pour mission d’assurer la sécurité du président, sous l’autorité duquel elle est directement placée, ainsi que la continuité et la stabilité des institutions […]. « Force, foi, fidélité » : c’est la devise de cette unité d’élite qui, entraînée et encadrée par des professionnels, puise son prestige et ses traditions dans la légende née du débarquement du 13 mai 1978. […] Prête à réagir à tout moment face à un danger intérieur ou face à un ennemi extérieur, la Garde est en alerte permanente. […] Force vive de la nation, consciente de ses responsabilités et de son image, la Garde présidentielle est garante de la stabilité du régime et du maintien des institutions démocratiques. Deux conditions préalables au développement économique et social [27]

Extraite d’un film de propagande, cette citation inscrit la GP dans un héritage postcolonial évident, qui a fait florès en Françafrique : l’ordre est affiché comme le préalable indispensable au développement social et économique, sous-entendant que l’agitation révolutionnaire (qui synthétise l’ennemi intérieur et extérieur au nom de la guerre froide) constitue le désordre par excellence. Cette vision organique et binaire de la politique nourrit l’argumentaire d’une GP omnipotente puisqu’elle est la clé de voûte de l’ordre comorien et donc de son développement [28] En érigeant le débarquement de 1978 en acte fondateur, et en se parant de symboles militaires d’inspiration romaine comme une garde prétorienne, la GP crée son propre imaginaire.

La GP reste une institution en évolution permanente, autant pour des raisons humaines que techniques. Bob Denard, alias colonel Bako pour ses hommes, cède dès 1979-1980 la direction opérationnelle de la Garde au commandant Charles, pour se consacrer à des activités plus politiques, partageant alors son temps entre les Comores et Paris, avec l’appui de la France. Sous le nom de Rémy Destrieux, Bob Denard, conseiller présidentiel, ambassadeur itinérant et représentant personnel d’Ahmed Abdallah, jouit grâce à ce statut et à son passeport diplomatique comorien, d’une impunité totale. Il ne la doit qu’au système GP des Comores, et non plus au SDECE, comme c’était le cas dans les années 1960. La GP est réorganisée une première fois en 1985. Le complot du mouvement communiste marxiste-léniniste comorien (MCMCL) et du Front démocratique (FD), dit complot de mars 1985, confronte pour la première fois une GP jusqu’alors tournée vers des opérations extérieures, dans la tradition des années 1960-1970, à une menace intérieure réelle, et impose des ajustements de son fonctionnement interne. En témoigne le volumineux rapport sur la menace communiste aux Comores [29] . Dans le même temps de 1986 à 1989, le remplacement du commandant Charles par le commandant Malacrino, alias Marques [30]  renforce la structuration de la GP qui, d’une garde prétorienne plus ou moins empirique, se mue en une véritable organisation régimentaire sous les ordres de Marques, avec des bureaux spécialisés, allant du renseignement à l’intendance. Elle s’impose alors en rempart intransigeant du régime.

En se professionnalisant, la GP cherche de plus en plus à reproduire la vie quotidienne d’une armée. L’organisation de son état-major en bureaux spécialisés est directement copiée des pratiques d’état-major français. L’origine sociale de ces hommes, la plupart recrutés pour l’opération de 1978 puis au fur et à mesure entre 1978 et 1989, explique également cet ethos. Pour nombre d’entre eux, il s’agit de poursuivre une vie militaire qu’ils n’ont goûtée que de manière éphémère lors d’un bref contrat, voire du seul service militaire en France. Le brevet parachutiste passé à l’école des troupes aéroportées de Pau (ETAP) leur sert de marque de reconnaissance : moins qu’une pratique de combat utilisée à la GP, le parachutisme vaut comme identification de leur formation d’élite qu’ils mettent au service de la GP. Cette identité parachutiste est confirmée par le numéro matricule de brevet gravée au dos de l’insigne de parachutiste fièrement agrafé sur la poitrine. Elle constitue leur lien social avec l’armée française et ses anciens. Bob Denard lui-même, quoique n’ayant jamais été breveté parachutiste, a attaché un soin particulier à se coiffer au Congo du béret amarante des forces parachutistes (ce portrait congolais devient d’ailleurs son image d’Épinal). Cette culture militaire parachutiste d’élite les inscrit explicitement dans l’héritage politique et militaire des guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie. La volonté de ces hommes d’expérimenter rigoureusement un fonctionnement militaire réglementaire dans la GP est d’autant plus forte qu’il ne s’agit pas pour cette génération d’une deuxième chance, comme pour les « soldats perdus » des guerres coloniales, mais de leur principale expérience militaire.

Outre ses activités aux Comores, la GP a vocation à se projeter dans différentes crises, sous contrats de présidents locaux à l’image de son principal contrat au Tchad auprès d’Hissein Habré. Entre 1982 et 1983, en attendant le lancement de l’opération « Manta » par la République française, Habré recourt aux services de l’équipe de Bob Denard. Toutefois, une fissure apparaît dans le monde mercenarial : après un premier engagement des hommes de la GP, René Dulac, ancien membre de l’équipe Denard, propose ses services à Hissein Habré et finit par écarter les hommes de Bob Denard [31] . En coulisse se joue un bras de fer clandestin : René Dulac supplante peu à peu Bob Denard auprès de la DGSE – sans que celle-ci ne rompe les ponts avec lui, en maintenant la liaison depuis Paris ou les Comores. Mais de telles évolutions plaident dans le sens d’une indispensable indépendance financière de la GP, a fortiori pour des engagements extérieurs qu’elle confie à ses « experts », c’est-à-dire à ses officiers français engagés en qualité de « conseiller technique » et non à ses soldats comoriens.

En son sein, entre 1978 et 1989, la GP assure un certain renouvellement générationnel : si plusieurs anciens restent auprès de Bob Denard, la noria des contrats se poursuit. Les hommes contractent, comme à l’armée, pour une période donnée (traditionnellement de cinq ans), renouvelable. Ils s’enrôlent sous un faux-nom, pour se ménager la possibilité d’un retour à la vie civile en France : c’est d’ailleurs sous ce pseudonyme, forte empreinte identitaire d’une expérience particulièrement marquante, qu’ils continuent à s’identifier entre eux après 1989. Certains voient dans la GP la poursuite d’une politique anticommuniste postcoloniale (attisée en Afrique australe par la lutte de l’Afrique du Sud contre les régimes révolutionnaires de la « Frontline » qui soutiennent le combat de l’African National Congress contre le régime de l’apartheid), tandis que d’autres n’y voient qu’une opportunité d’aventure que ne leur offre plus la société française en crise des années 1970 et 1980. Une génération d’officiers de la GP naît aux Comores ; ils sont les principaux porteurs de mémoire à travers l’association Orbs Patria Nostra[32]. Une évidente sélection est conduite par le bureau de recrutement de Bob Denard ainsi qu’en attestent les dossiers de candidature [33]. L’essentiel des hommes finalement retenus partagent fréquemment une formation parachutiste reçue à l’ETAP de Pau, lors de leur passage préalable dans l’armée française, dans le cadre du service militaire ou d’un temps d’engagement régimentaire (parfois d’élite, tel que le 13e Dragon ou un régiment de parachutistes de l’infanterie de Marine). Bob Denard a poursuivi l’ethos expérimenté au Gabon : la vie sous la bannière de la GP donne tous les gages d’une authentique « vie de soldat », identité hautement revendiquée par les anciens. La discipline régimentaire, le rythme de vie ou encore la culture physique se veulent au niveau d’exigences éprouvées dans l’armée française [34]. Cependant, le quotidien de la GP, quoique disciplinairement rythmé, n’est pas organisé autour de la guerre. Ainsi, Bob Denard n’envoie qu’un contingent de cinq mercenaires au Tchad en 1982. La GP leur procure au quotidien un certain confort social et un train de vie qui leur serait inaccessible en France, mais aussi l’impunité et une aura qui se manifeste à travers la peur des Comoriens de l’uniforme noir de ses membres.

Les liasses de dossiers de ressources humaines, de comptabilité, de factures diverses et variées (du mess aux uniformes en passant par la nourriture) ou des reçus de frais de mission, toutes conservées dans les archives Bob Denard, témoignent d’une ingénierie qui n’aurait rien à envier à l’administration française. Pour le service de renseignement militaire sud-africain qui finance la GP, le Direction of Military Intelligence (DMI) [35], cette dernière est un sous-traitant clé dans l’océan Indien : les services sud-africains ont installé aux Comores leur principale antenne de relais et d’écoute dans la sous-région, et le système Denard permet de contrôler le canal du Mozambique, sur l’Est de la « Frontline ». Le Belge Freddy Thielemans, vieux compagnon de lutte de Bob Denard du temps du Congo, dirige l’antenne de la GP à Pretoria, où il est responsable de la liaison quotidienne et logistique avec les protecteurs sud-africains. Par l’entremise de l’antenne de Pretoria, le DMI abonde annuellement le budget des Comores pour la seule GP ; les commandes et autres fournitures transitent pour l’essentiel par l’Afrique du Sud, qui trouve ainsi un débouché commercial supplémentaire en Afrique alors qu’elle est frappée d’embargo. En ce sens, si les Comores sont la base arrière dont le condottiere Denard rêvait, elles n’en sont pas moins un pion dans le dispositif géopolitique des services spéciaux de l’apartheid sur la façade orientale du continent.

Alors que les problèmes de trésorerie s’accumulent au cours des années 1980, le prix de la GP est au cœur du litige qui l’oppose aux Forces armées comoriennes (FAC). Celles-ci s’estiment sacrifiées au profit de cette garde prétorienne. Ce bras de fer provoque une grave crise les 26 et 27 novembre 1989. Le président Ahmed Abdallah est tué, et Bob Denard et ses hommes doivent être exfiltrés en catastrophe vers l’Afrique du Sud. La guerre froide s’achève, l’heure de la GP est passée. À l’échelle mondiale, la menace communiste (ou subversive) justifiée par l’affaire de mars 1985 n’est plus d’actualité. À l’échelle régionale, le régime de l’apartheid est en cours de démantèlement. En France, enfin, le directeur général de la DGSE Claude Silberzahn donne l’ordre à la DGSE de mettre un terme à la collaboration avec Bob Denard[36].

La décision sonne le glas de l’équipée Denard. Désormais connu de l’opinion publique, Denard doit aussi affronter condamnations politiques et judiciaires. « Malgré la tutelle de monsieur Jacques Foccart, ce n’était plus dans le vent de l’histoire, il fallait donc que je disparaisse, cela a bien failli arriver[37] », affirme Denard lui-même, dans un brouillon de 1998.

Sic transit gloria mundi : la fin d’un mercenariat à la française ?

Les trois procès Denard tenus en France dans les années 1990 et 2000 (pour le coup d’État manqué au Bénin en 1977, l’assassinat du président des Comores en 1989 et le coup d’État manqué aux Comores en 1995) tiennent lieu à la fois d’épilogue personnel et de substitut de procès public de la Françafrique. Alors que ses anciens commanditaires disparaissent, Bob Denard, affaibli par la maladie, est politiquement isolé. Cherchant une catharsis politique à ce mercenariat « à la française », le gouvernement fait voter en 2003 une loi contre le mercenariat au-dessus duquel plane la figure de Bob Denard [38]. Au même moment, l’essentiel des « contractuels » français de la jeune génération née dans la crise des Balkans, et qui n’avait pas attendu la loi de 2003 pour en finir avec Bob Denard, imagine de nouvelles voies vers le métier des armes privées, que ce soit à travers des entreprises de sécurité ou en rejoignant directement les nouvelles générations de grandes compagnies d’Afrique du Sud ou d’Amérique du Nord, véritables entreprises sécuritaires modernes qui deviennent les principaux sous-traitants des nouveaux conflits au Moyen-Orient et en Afrique au lendemain du 11 Septembre [39]

Toute la mise en scène autobiographique de Bob Denard, à l’automne de sa vie, aura été de donner du sens à ce qu’il considère être son « engagement » militaire au nom de la France en Afrique. « Corsaire de la République », ainsi qu’il le revendique en titre de la deuxième version de ses mémoires parues en 1998, il entend donner a posteriori une profondeur historique à son parcours en se plaçant sous les mannes des mercenaires d’Hannibal et de la tradition gasconne des grandes compagnies de la guerre de Cent Ans (arguant de ses origines du Bordelais). Bob Denard cherche avant tout à se donner la légitimité d’une main gauche de la République en Françafrique. Son travail de mise en scène conquiert finalement l’imaginaire collectif et est étendu sans débat à tous les mercenaires des GP africaines, du Gabon aux Comores.

Dans une France qui, aux yeux de ces jeunes gens, s’aseptiserait, c’est moins l’espoir financier que l’opportunité d’ailleurs et d’aventures armes à la main, affranchies de tout interdit, qui motive l’entrée en mercenariat. Certains peuvent ainsi imaginer ce contrat mercenarial comme une séquence de jeunesse avant de « se ranger », tandis que d’autres veulent définitivement rompre les amarres avec la société française d’après Mai 68. Tout le travail identitaire de ces mercenaires a consisté à réduire l’ethos du guerrier irrégulier pour mettre en avant un ethos du militaire français : formation initiale d’élite (notamment avec les brevets parachutistes), organisation interne de la GP (suivant les modèles traditionnels de l’armée française) ou encore poids de l’outil administratif (pour justifier des recrutements, des activités et des dépenses). Au fond, les GP refusent l’ombre de la clandestinité. Cela dit, il convient de rappeler les deux caractères fondamentaux de l’irrégularité. Premièrement, dans les opérations de déstabilisation de régimes et de coups d’État, ces mercenaires ne relèvent d’aucun État, et surtout pas de la France officielle, même si leurs parrains africains sont connus (Gabon, Maroc, Togo, etc.) : il faut l’échec de l’affaire béninoise en 1977 pour que le scandale éclate internationalement. Deuxièmement, dans le cas de la protection des « régimes amis » à travers les GP, ces hommes servent (on l’oublie trop souvent et certains mercenaires veulent délibérément l’oublier) un gouvernement étranger et non la France. Ils prennent leurs ordres de chefs d’État qui, s’ils se disent le fer de lance de la politique africaine de la France, n’en donnent pas moins des ordres que la République française ne pourrait jamais assumer officiellement.

En trois décennies de guerre froide, on passe du profil du « soldat perdu » des guerres coloniales, qui n’est finalement pas majoritaire, à de jeunes aventuriers qui trouvent dans les GP des expériences que ne leur autorisent ni l’armée française, rentrée dans ses casernes après les guerres de décolonisation, ni la société française née au lendemain de Mai 68. En conséquence, et sans que la filiation ne soit individuellement directe, ces mercenaires « à la française » sont fiers d’apparaître comme les héritiers des soldats des guerres de décolonisation, parce qu’ils s’inscrivent ainsi dans des rapports de force qui les dépassent et prennent comme principal argument la lutte anticommuniste contre la subversion. La fin de la guerre froide condamne cette histoire. Nombre d’entre eux « retournés à la vie civile » (selon leurs propres termes) après 1989 se considèrent frappés de « mort sociale » aux yeux d’une société française qui ne peut ni ne veut comprendre leur trajectoire. En effet, l’imaginaire national souhaitait que soit mis un point final officiel à la crise coloniale dès 1962. Ce n’est pourtant qu’à partir de cette date que commence l’histoire de ces mercenaires, éminemment inscrite dans les violences postcoloniales du continent africain.

Notes

  • [1]

Archives nationales (AN), 770 AP, archives de Bob Denard, collections photographiques personnelles. À la fin de sa vie, dans les années 1990, Bob Denard aimait à se présenter en compagnie des officiers de l’armée française qui ont été les artisans de la guerre non conventionnelle : Jean Sassia (service Action en Indochine), Paul Aussaresses (cadre fondateur du service Action et vétéran d’Indochine et d’Algérie), Bob Maloubier (cadre fondateur du service Action et fondateur de la GP au Gabon).

  • [2]

Le style est précocement inauguré en France par l’ouvrage de Jacques Duchemin, Jacques Le Bailly et Roger Trinquier, Notre guerre au Katanga, Paris, La Pensée universelle, 1963. Le genre des mémoires a été plus directement inauguré par l’Irlandais Mike Hoare (Congo Mercenary, Londres, Hale, 1976).

  • [3]

Walter Bruyère-Ostells, Dans l’ombre de Bob Denard. Les mercenaires français de 1960 à 1989, Paris, Nouveau Monde éditions, 2014.

  • [4]

Jean-Pierre Bat, La Fabrique des Barbouzes. Histoire des réseaux Foccart en Afrique, Paris, Nouveau Monde éditions, 2015. Jean Mauricheau-Beaupré, collaborateur de Jacques Foccart, est envoyé à Brazzaville en août 1960 où il est en contact avec Charles Delarue, ancien policier anticommuniste recyclé comme chef de la police politique du Congo-Brazzaville.

  • [5]

Roger Trinquier a notamment publié : La Guerre moderne, Paris, La Table ronde, 1961 ; Le Coup d’État du 13 mai 1958, Paris, Esprit nouveau, 1962 ; Notre Guerre au Katanga, Paris, La Pensée universelle, 1963 ; L’État nouveau, la solution de l’avenir, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1964 ; Guerre, subversion, révolution, Paris, Robert Laffont, 1968 ; Le Temps perdu, Paris, Albin Michel, 1978 ; La Guerre, Paris, Albin Michel, 1980.

  • [6]

Entretien de l’auteur avec Jacques Duchemin (2008).

  • [7]

Jacques Duchemin, Roger Trinquier, Notre guerre au Katanga, Paris, La Pensée moderne, 1963.

  • [8]

Van Doal [F. Van de Walle], Une ténébreuse affaire ou Roger Trinquier au Katanga, Bruxelles, Tamtam Ommegang, 1979.

  • [9]

Entretiens de l’auteur avec Jacques La Boudonnaye (Paris, 2008) et entretien téléphonique avec Roger Faulques (2009).

  • [10]

Entretien téléphonique de l’auteur avec le fils de Joseph Lambroschini (2009).

  • [11]

Conor O’Brien, To Katanga and Back. A UN Case History, Londres, Hutchinson & Cie, 1962.

  • [12]

J.-P. Bat, La Fabrique des barbouzesop. cit.

  • [13]

Campagnes d’entretiens avec Philippe Lettéron (Paris, 2004-2005) ; Pierre Lunel, Bob Denard, le roi de fortune, Paris, Éditions no 1, 1991 ; Bob Denard, Corsaire de la République, Paris, Robert Laffont, 1998.

  • [14]

En témoigne la rédaction de son projet d’action au Yémen (AN, 770 AP, archives de Bob Denard, dossier Yémen, feuille de route olographe de la mission au Yémen rédigée par Bob Denard sur un sac en papier de voyageur aérien, 1964).

  • [15]

Archives nationales (AN), 90 AJ/55-62, archives de Philippe Lettéron, conseiller de Moïse Tshombé (1964-1965) ; rapport du commandant Denard pour la création et l’organisation d’un bataillon mixte d’intervention (BMI) et d’un bataillon étranger d’intervention (BEI), Léopoldville, 26 décembre 1964 ; lettres du commandant Bob Denard au général Mobutu, 27 et 28 décembre 1964 ; 90 AJ/56-57, lettre codée de Bill [Denard] à Philippe Lettéron, mars 1965.

  • [16]

Entretien de l’auteur avec Henri Clément, officier du 1er Choc (Paris, 2016) ; Henri Clément, Journal de marche du 1er Choc sous le commandement de Robert Denard, Saint-Maur-des-Fossés, Orbs Patria Nostra, 2016.

  • [17]

AN, 90 AJ/61, Insurrection manquée de mercenaires, 1976 ; entretien de l’auteur avec Maurice Robert, chef du secteur Afrique du SDECE (Cap Ferret, 2004).

  • [18]

Jean-Pierre Bat, « Le secteur N (Afrique) et la fin de la guerre froide », Relations internationales, 165, 2016, p 43-56.

  • [19]

AN, AG/5(F)/2012-2013, dossiers « Gabon » (1965-1966). Bob Maloubier, L’Espion aux pieds palmés, Paris, Éditions du Rocher, 2013 ; entretiens de l’auteur avec Bob Maloubier, 2008. De 1964 à 1966, Bob Maloubier a scrupuleusement veillé à ce que sa mission soit exercée dans le cadre d’un contrat de Coopération, c’est-à-dire qu’elle s’intègre dans un dispositif français de mise à disposition. À son départ, Omar Bongo s’arrange pour que le poste de chef de la GP se transforme en contrat gabonais : cela a eu pour conséquence que le payeur a repris peu à peu la main sur l’orientation politique de la GP, tout en laissant entendre que cette évolution s’inscrit simplement dans celle de la redistribution des moyens sur le terrain. Le gage du maintien de l’esprit de la GP est donné par sa sociologie d’anciens militaires français, fréquemment vétérans des guerres coloniales, plus ou moins venus avec la protection de Maurice Robert, fondateur du secteur Afrique du SDECE.

  • [20]

Enquêtes de terrain de l’auteur au Gabon (2008, 2017, 2018).

  • [21]

AN, 770 AP, archives de Bob Denard, photographies des « colleurs d’affiches » (1968). Le sentiment de cassure avec la France de Mai 68 est d’autant plus fort que Bob Denard et ses hommes n’ont pas hésité à se rendre à Paris pour jouer les colleurs d’affiches en Mai 68, pour lutter, d’un même combat de l’Afrique à la France, contre la « subversion ». La mémoire estudiantine en a gardé le souvenir sous le nom de « Katangais », pour désigner les appariteurs musclés, et jusqu’alors inconnus du monde universitaire, lancés contre les occupants de la Sorbonne.

  • [22]

On peut notamment citer le Centre de documentation (CEDOC), service de renseignement intérieur créé au lendemain de l’indépendance, dirigé par l’inspecteur de police coloniale Georges Conan et restructuré par le commissaire de police du Service de coopération technique international de police (SCTIP) René Galy, ou encore le service de contre-ingérence (service de contre-espionnage offensif), créé à la fin des années 1970 par le lieutenant-colonel du SDECE Jacques Ferrari détaché au Gabon. (Maurice Robert, « Ministre » de l’Afrique. Entretiens avec André Renault, Paris, Éd. du Seuil, 2004.)

  • [23]

AN, Archives de Philippe Gaillard, 20140408, rapport du SDECE sur les réseaux d’influence en Afrique (1981). Ce rapport, comme les deux précédents établis pour Alexandre de Marenches en 1977 et 1980, a terminé entre les mains de Jacques Foccart grâce à des complicités ; il les a ensuite remis à Philippe Gaillard pour préparer leurs entretiens.

  • [24]

AN, 770 AP, archives de Bob Denard, lettre de Maurice Robert à Maurice Delauney, 9 juillet 1968.

  • [25]

AN, 770 AP, archives de Bob Denard, rapport sur le projet de BDLS.

  • [26]

Entretiens avec des anciens de la GP comorienne, 2016-2017 ; AN, 770 AP, archives de Bob Denard, dossier sur la création de la GP, correspondance de Bob Denard alias Bako au commandant Charles et rapports du commandant Charles (1979-1985).

  • [27]

Film de propagande Les Comores. La Garde présidentielle, Orbs Patria Nostra [années 1980] (6’27’’, 7’52’’, 8’21’’, 17’21’’). Le film se conclut par une considération politique qui sous-entend que la GP est la clé de voûte de tout le système.

  • [28]

Félix Houphouët-Boigny résumait d’une formule devenue célèbre cette conception de l’ordre politicosocial : « Je préfère une injustice que le désordre. »

  • [29]

AN, 770 AP, archives de Bob Denard, rapport de la GP sur le complot de mars 1985.

  • [30]

Entretiens avec des anciens de la GP, 2016.

  • [31]

Vincent Nouzille, Les Tueurs de la République. Assassinats et opérations spéciales des services secrets, Paris, Fayard, 2015. Pour mener cette enquête, l’auteur a recueilli de manière inédite et unique le témoignage de René Dulac, qui prend l’affaire tchadienne comme point de départ de sa séparation avec Bob Denard, sous la protection de la DGSE.

  • [32]

https://www.orbspatrianostra.com/ ; campagne d’entretiens avec des vétérans d’Orbs Patria Nostra, Saint-Maur-des-Fossés, 2016.

  • [33]

AN, 770 AP, archives de Bob Denard, dossiers de personnel des candidats à la GP, années 1970-1980.

  • [34]

Cette assertion mérite toutefois une nuance : l’astreinte est particulièrement effective sur l’île de Grande Comore, siège de la capitale. Dans l’île d’Anjouan et l’île de Mohéli, la vie des hommes de la GP semble un peu plus décontractée.

  • [35]

Kevin O’Brien, The South African Intelligence Services. From Apartheid to Democracy, Londres, Routledge, 2010.

  • [36]

Entretien de l’auteur avec Claude Silberzahn (Simorre, 2015).

  • [37]

AN, 770 AP, archives de Bob Denard, brouillon d’un récit autobiographique rédigé en avril 1998. Ce texte est écrit en parallèle à son projet de publication de Corsaire de la République rédigé avec le concours de l’écrivain militaire Fleury dans la perspective de son procès pour les événements des Comores en 1989.

  • [38]

Légifrance, loi 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l’activité de mercenaire.

  • [39]

Franck Hugo et Philippe Lobjois, Mercenaires de la République. 15 ans de guerres secrètes, Paris, Nouveau Monde éditions, 2009.

Source : https://www.cairn.info/revue-vingt-et-vingt-et-un-revue-d-histoire-2019-1-page-143.htm?ref=doi